Quelques semaines seulement après avoir découvert la Dream Pop bricolée de Fazerdaze, nous avions le plaisir d’assister à son premier concert parisien à l’occasion du French Escape Festival qui se tenait à la Maroquinerie, en écho au Great Escape Festival de Brighton qui prenait fin au même moment. L’occasion idéale d’en savoir un peu plus sur cette nouvelle venue dont l’album « Morningside » nous a convaincu qu’il se passe beaucoup de bonnes choses à l’autre extrémité du globe à l’heure actuelle.
Peux-tu me parler un peu de tes origines et de tes débuts dans la musique ?
Fazerdaze : Je suis néo-zélandaise, j’y suis née, mais ma mère est indonésienne et mon père est né à Londres. Je suis donc mi-asiatique, mi-européenne, bien que née en Nouvelle-Zélande. J’ai commencé à faire de la musique vers l’âge de 14 ans à la guitare, et j’en suis vraiment tombée amoureuse. J’ai monté un groupe à 16 ans et depuis je n’ai pas arrêté de faire des concerts.
Tu as joué dans le passé avec Unknown Mortal Orchestra et Connan Mockasin, à quelle moment as-tu considéré qu’il était temps de faire ton propre disque ?
Fazerdaze : En fait j’avais fait mon premier EP qui m’a ouvert tellement de portes, c’est ainsi que j’ai pu jouer en première partie de ces artistes. J’ai toujours voulu faire un album et l’accueil reçu par mon EP m’a vraiment surprise, ça m’a motivé pour faire l’album, en me disant que je verrai bien comment ça marche.
As-tu choisi le nom de scène Fazerdaze pour une raison particulière ? Tu ne voulais pas garder ton vrai nom, Amelia Murray ?
Fazerdaze : Je voulais prendre un autre nom pour mon projet pour qu’il soit dissocié de ma personne, c’est un peu plus excitant et en plus si je m’en lasse je peux toujours en changer et recommencer avec un autre! Je ne veux pas nécessairement que ça arrive mais c’est une source d’inspiration, c’est différent d’Amelia Murray qui se rapporte plus à ma vie au quotidien.
Ton album s’appelle « Morningside », peux-tu me le décrire rapidement ?
Fazerdaze : J’habite à Morningside, c’est un quartier d’Auckland. L’album a été fait entre de nombreux quartiers de la ville alors que je recherchais encore un logement, et quand je me suis installée à Morningside je m’y suis sentie bien, et je l’ai appelé ainsi parce que c’est là que j’ai terminé l’album. J’aime la symbolique autour du nom, c’est beau et optimiste, il illustre la sortie d’une période plus sombre de ma vie.
Donc ce quartier a eu une influence sur la création de l’album ?
Fazerdaze : Oui, c’est une banlieue très agréable et j’étais très heureuse de m’installer là-bas. J’avais déjà beaucoup de chansons prêtes mais c’est là que j’ai vraiment pu les finaliser.
Et l’écriture de l’album s’est donc faite sur une période plus longue ?
Fazerdaze : Oui, assez longue. Quand j’ai commencé à écrire je ne savais pas si tout cela allait devenir un album ou un EP, mais avec le temps je me suis rendue compte qu’un album émergeait. Deux ans et demi se sont écoulés entre mon EP et mon album. Ça a donc pris beaucoup de temps, particulièrement parce que j’enregistrais tout toute seule et je me retrouvais parfois un peu coincée.
J’ai compris que Morningside est un endroit où tu te sentais bien et justement le titre « Lucky Girl » peut être perçu comme étant très positif, le ressens-tu ainsi ?
Fazerdaze : Oui, même s’il y a un questionnement et une part de tristesse sous-jacents. A la première écoute tu peux avoir le sentiment que c’est une chanson très, voire trop heureuse, mais il y a aussi la crainte de perdre quelque chose de bon.
Et « Jennifer » est le seul titre de l’EP que tu as conservé sur l’album, peux-tu m’en parler ?
Fazerdaze : Oui, j’ai écrit cette chanson il y a bien longtemps maintenant, elle parlait d’une amie qui me manquait beaucoup, nous avons grandi et la vie nous a éloignées. Je voulais en parler parce qu’elle avait eu une très grande influence sur moi et sur ma vie, mais nous ne nous voyons plus vraiment aujourd’hui, donc c’était un hommage envers elle. Et j’aimais bien le côté sentimental qu’apportait ce titre au milieu de « Morningside », je trouve que ça sied bien à l’album.
Le titre « Misread » me fait beaucoup penser aux Pixies, ce groupe t’a-t-il influencée ?
Fazerdaze : Oh oui sans aucun doute ! Quand j’ai commencé à écrire l’album j’écoutais justement beaucoup les Pixies. J’adore Kim Deal et je voulais vraiment faire une chanson dans ce genre-là, avec une guitare fuzz mais aussi un côté féminin.
Le titre « Friends » aussi ?
Fazerdaze : Oui, il alterne les passages calmes et puissants de la même manière. C’est sûr, les Pixies sont une influence, notamment parce que j’ai regardé leur documentaire qui s’appelle justement « Loud Quiet Loud », et lu un livre sur eux.
Ton album et l’EP qui l’a précédé ont été autoproduits tous les deux. Quelle est ta manière de travailler ?
Fazerdaze : J’utilise un seul micro, un ECM-58. Je commence à enregistrer et je vais là où ça m’emmène ! Tout se fait de façon très inconsciente, je ne suis probablement pas très douée pour le décrire, je le fais, c’est tout !
Et c’est juste toi, tu ne travailles pas avec un producteur ?
Fazerdaze : Pas vraiment, c’est principalement moi. De temps à autres je fais écouter une chanson à mes amis pour avoir leur opinion, ce qui est très utile particulièrement quand je me sens bloquée. Mais sinon c’est vraiment moi.
Et en ce qui concerne les différents instruments, tu as un groupe avec toi ?
Fazerdaze : Sur l’album j’ai à peu près tout joué toute seule, donc je programme juste les parties de batterie, je joue de la basse par-dessus, j’assemble tout, mais quand je joue en concert j’ai un groupe avec moi pour jouer toutes ces parties.
Tu as toujours gardé une façon de faire très « DIY » (très bricolée, ndlr), c’est important pour toi ?
Fazerdaze : Oui, ça l’est parce que tout l’intérêt du projet Fazerdaze c’est mon apprentissage, comprendre ce que je fais et inviter mon entourage à me voir grandir et évoluer. Enregistrer et produire seule dans ma chambre avec les moyens dont je dispose, c’est une expérience totalement différente que celle d’aller en studio avec un producteur de renom. Ça me va tellement mieux d’être la personne en charge et de prendre toutes les décisions du début à la fin. C’est ma façon de travailler, je suis assez calme et introvertie et c’est bien de ne pas avoir à discuter de mes décisions avec quelqu’un d’autre.
Penses-tu avoir beaucoup changé depuis ton premier EP sorti il y a deux ans et demi ?
Fazerdaze : Je pense avoir beaucoup gagné en confiance, notamment lorsqu’il s’agit de me présenter en tant que productrice. Faire ma musique seule c’est vraiment difficile mais je pense que je suis maintenant habituée à cette difficulté. Je ne sais pas si c’est plus facile mais je gère mieux qu’avant les moments où je suis bloquée, je sais mieux contourner les problèmes. J’ai tellement appris avec la réalisation de mon EP, et encore plus avec celle de mon album, j’ai gagné en expérience et en connaissance, je suis plus confortable et sûre de moi et de mes intuitions en tant qu’artiste.
Puisque tu viens d’Auckland j’aimerais te parler un peu de la Nouvelle Zélande, d’où je ne connais qu’assez peu de groupes : French for Rabbits, Ladyhawke, Aldous Harding et quelques autres. La scène musicale d’Auckland est-elle très animée ?
Fazerdaze : Oui, je pense que beaucoup de musique vraiment cool émerge en Nouvelle Zélande aujourd’hui. C’est tellement petit et il n’y a pas tellement de salles où jouer qu’il faut être vraiment bon pour faire des concerts, dont la qualité est assez élevée. La scène musicale n’est pas énorme mais assez animée, suffisamment pour être inspirante.
Y-a-t-il des groupes peu connus ici que tu pourrais me recommander ?
Fazerdaze : Oui, j’aime beaucoup Kane Strang, il est originaire de Dunedin et va bientôt sortir un album avec le label Dead Oceans ; Merk qui joue dans mon groupe vient de sortir un excellent album et mon petit ami Gareth Thomas qui fait une musique Indie Pop vraiment cool… Il y en a tellement !
Beaucoup de choses se sont passées pour toi cette année, Comment te sens-tu maintenant que ton projet solo prend son envol ?
Fazerdaze : Je ne sais pas, l’album sonne tellement mieux que je ne l’avais imaginé et c’est peut-être tout ce que tu peux demander, c’est super que les gens s’y intéressent. Je suis très impatiente de m’atteler sur la suite et de vraiment en vivre, je suppose que c’est le but ! Être capable d’en vivre et de continuer à sortir des albums chaque année.
Ce soir tu joues à Paris et il y a quelques jours tu étais au Great Escape Festival à Brighton avec beaucoup d’autres groupes excitants. Quelle accueil as-tu reçu en Europe jusqu’ici ?
Fazerdaze : Je pense qu’il a été vraiment très bon. Nous avons joué à Cologne il y a deux jours et le public a été très réceptif, il a compris ma musique.
Tu es d’ailleurs signée sur un label allemand, Groenland Records, comment cela se fait-il ?
Fazerdaze : C’est mon tourneur anglais qui a envoyé mon album à Groenland Records. Ils l’ont beaucoup aimé et m’ont proposé de le distribuer. J’ai accepté et trouvé ça super parce que ça me permettait de mettre un premier pied en Europe, c’est incroyable pour une artiste néo-zélandaise comme moi qui vient de l’autre bout du monde !
Propos recueillis à Paris le lundi 22 mai 2017.
Un grand merci à Fazerdaze, ainsi qu’à toute l’équipe de Boogie Drugstore pour avoir rendue cette interview possible.
Pour plus d’infos :
Lire la chronique de « Morningside » (2017)
La Maroquinerie – Paris, lundi 22 mai 2017 : galerie photos
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