Le jour où nous avons réalisé cette interview, Anteros était encore l’un des ces artistes à suivre de l’année 2019. Aujourd’hui « When We Land » est dans les bacs et le groupe Londonien mené par la chanteuse anglo-espagnole Laura Hayden a trouvé le juste équilibre entre ses titres à l’esprit Indie Rock fédérateur et l’amour d’une époque où la Pop grand publique se faisait avec beaucoup de classe, des plus belles heures du Disco aux légendes du Rock 70’s. A l’occasion de leur concert en première partie de SWMRS au Point Éphémère à Paris, nous nous sommes entretenus avec Laura Hayden et le guitariste Jackson Couzens qui nous ont dévoilé les nombreuses facettes d’Anteros, mais aussi un amour sans faille pour la planète qu’ils défendent avec ardeur.
D’où venez-vous et comment vous êtes-vous rencontrés ?
Laura : Nous venons de partout ! J’ai créé le groupe il y a quelques années, avec Joshua qui joue de la basse. Nous nous sommes rencontrés par l’intermédiaire d’amis communs à Londres et nous avons commencé à écrire des chansons ensemble. Nous ne savions pas vraiment ce que ça allait donner. Puis nous avons composé le titre « Anteros », et je pense que c’est ce qui a lancé l’idée de faire de ce projet un groupe. Environ un an plus tard Harry est arrivé à la batterie. Au début le line-up était différent, avec un autre guitariste…
Jackson : Auparavant j’étais roadie pour le groupe Blossoms, et c’est par une amie commune, Phoebe, qui est photographe et a shooté Blossoms et Anteros, que nous nous sommes rencontrés. Nous nous croisions souvent à des festivals et lorsque nous avions un concert dans la même ville nous essayions de nous voir.
Laura : Notre premier guitariste est parti parce qu’il voulait terminer ses études et juste faire des sessions de guitare, alors que nous voulions quelqu’un à plein temps dans le groupe. Donc nous avons envoyé à Jackson un sms pour lui dire « rejoins-nous ! Merci. »
Laura : Seulement deux semaines plus tard nous avons signé notre contrat d’enregistrement. Jackson était la pièce manquante du puzzle. Il est originaire de Stockport, près de Manchester, Harry vient de Londres, Joshua de la région de Reading, et je suis moitié espagnole. Ma mère est anglaise et mon père espagnol. J’ai grandi à Barcelone et j’ai déménagé à Londres il y a 6 ans pour faire de la musique.
« J’étais spectatrice de ma vie »
J’ai lu que tu avais quitté l’Espagne spécifiquement pour monter un groupe. Comment a réagi ton entourage là-bas ?
Laura : C’était vraiment délicat. Je travaillais pour MTV en Espagne, j’avais un boulot mais je me suis très vite rendue compte que j’avais j’étais spectatrice de ma vie, tout arrivait mais je ne choisissais rien. Tout était là au bon endroit au bon moment. J’avais toujours voulu faire de la musique mais j’avais très peur parce que ce type de choix n’est pas très fréquent en Espagne. On ne défendait pas vraiment les arts à l’époque où j’ai grandi là-bas, ça n’était pas vraiment respecté. Je suis allée dans une école où tout le monde étudiait le business et rêvait de se marier. C’était les deux seules options. Je ne voulais ni l’une, ni l’autre. Je voulais démarrer ma propre affaire, mais dans un groupe, dans la musique. Donc quand je suis partie ma famille n’a pas été ravie, parce que tu t’inquiètes pour tes enfants. Les gens associent souvent le fait d’être un artiste à être pauvre, ou junkie, ou alcoolique, ou paresseux. C’était vraiment un territoire inconnu pour eux. Ils comment à s’y faire maintenant !
En grec ancien, Anteros est le dieu de l’amour réciproque. Etait-ce message d’intention envers vos futurs auditeurs ?
Laura : Nous avons écrit la chanson avant de choisir le nom du groupe. C’est un choix si difficile à faire parce que tu veux trouver un mot qui te définit, et cette chanson c’était un peu notre début en tant que groupe, c’est pourquoi nous avons choisi Anteros. Il s’agit également d’une statue à Londres, à Picadilly Circus et c’est là que nous nous sommes rencontrés.
Mais il y avait justement beaucoup d’amour de la part du public au concert ce soir !
Laura : Oui, en effet ! C’est drôle, nous en avons déjà vu pas mal depuis nos débuts, comme ce couple qui s’est rencontré à un de nos concerts et qui va se marier cette année !
Quand le groupe a commencé ce fut difficile de trouver votre identité musicale ?
Laura : Je pense que oui. Nous vivons dans un monde où tout le monde te classe très rapidement dans une catégorie, puis ils aiment ou n’aiment pas. Le cerveau fonctionne ainsi, beaucoup de gens veulent savoir ce qu’ils écoutent avant même d’avoir commencé. Nous ne voulions pas ça, et c’est probablement la raison pour laquelle nous avons dit à l’époque lors de notre première interview que nous faisions de la Pop rêveuse et amère (Bitter Dream Pop en anglais), pour inventer une catégorie qui n’existe pas parce que ça te donne la liberté de faire ensuite la musique dont tu as envie, ce que tu veux. Quand je pense aux grands artistes intemporels que nous adorons, comme « Rumors » de Fleetwood Mac, aucune des 10 chansons ne se ressemble. Tu peux entendre qu’il y a des compositeurs et des énergies différents. Je peux comprendre pourquoi certaines personnes se demandent si on doit encore sortir des albums, particulièrement si c’est 10 fois le même morceau. Mais pour nous c’était l’opportunité de montrer ce que nous avions, qui nous sommes. Il y a différents aspects dans notre musique, des moments vulnérables. C’est crucial pour nous. Et le moment où nous nous sommes aperçus que ça plaisait aux gens fut « Ordinary Girl » en concert. Elle se détache des autres dans le set, elle est rythmée, forte, et d’un seul coup plus personne ne bouge. La foule se connecte vraiment bien avec ça. Parce que tu as toujours peur que les gens s’en aillent, qu’ils aillent boire un verre au bar pendant les titres les plus calmes. C’est le moment où tu te dis « Oh… Merde ! ».
Jackson : Oui, on se demande si on peut garder l’attention du public même dans les moments calmes.
Laura : Oui, peut-on être également vulnérables ? Est-ce que ça va ? Parce que nous avons toujours voulu être enjoués, que les gens passent un bon moment, mais récemment nous avons aussi découvert le pouvoir d’accepter sa propre vulnérabilité. Il en serait peut-être autrement si nous avions déjà sorti un album, mais c’est effrayant, tu ne sais pas si ce que tu fais va parler à tout le monde, mais tu vas peut-être attirer de nouveaux fans au passage, ou en perdre d’autres. Nous voulions avoir cette liberté d’évoluer et de faire plus tard un second album en emmenant les gens avec nous dans ce voyage.
« Je suis un grande fan de Disco »
Justement sur votre album, il y a une ambiance disco – fin des années 70 et début des années 80, êtes-vous nostalgiques de cette période, ou est-ce une époque où vous auriez aimé vivre ?
Laura : Mais comment le sais-tu ??? (Rires) Je crois que nous venons tous d’environnements très différents. On plaisantait en se comparant aux Spice Girls parce que chaque membre du groupe est très différent.
Jackson : Oui, on passe souvent du temps avec des invités dans la camionnette après les concerts, et je suis celui qui met des chansons très lentes, déprimantes et acoustiques, jusqu’à ce que quelqu’un dise « C’est encore Jackson qui fait le DJ, quelqu’un peut l’arrêter ? »
Laura : Haha, il aime The Smiths, et Joy Division. C’est super, mais par exemple notre batteur Harry est super Pop, mais il aime aussi l’Indie Rock.
Joshua : Il aime Capital FM (une station radio de hits Pop, ndlr) et aussi les gros groupes Indie Rock de festivals.
Laura : C’est un grand fan de U2, il les adore ! Et puis il y a Joshua qui aime la Britpop, Blur, Oasis, mais il aime aussi le R&B, Drake et Frank Ocean ! Et moi je suis un mélange bizarre. Je dirais probablement que j’aime les singer songwriters comme Fiona Apple, Norah Jones ou Nina Simone, mais Fleetwood Mac est probablement mon groupe préféré de tous les temps. Dans les années 2000 ce sont sans doute The Strokes et les Arctic Monkeys. Un mélange de plein de choses. Il y a des périodes où je n’écoute que les Beatles. Je traverse ces phases. Il y a quelques semaine c’était Kraftwerk. Et les gars du groupe doivent faire avec !
Jackson : Les Beatles ça me va, moi aussi j’ai traversé cette phase !
Laura : En tout cas nous avons tous des influences très différentes et ça s’entend dans notre musique. Pendant que nous faisions l’album, chacun avait ses titres de référence. La chose sur laquelle nous nous rejoignons, ce sont probablement les Killers que nous aimons tous, mais aussi Arcade Fire, Fleetwood Mac, Arctic Monkeys… Et nous nous faisons découvrir des choses les uns les autres, puisqu’on fait les DJs, même si l’on accorde moins de temps à Harry (rires) !
Jackson : Si tu aimes The Wombats alors Harry est ton DJ !
Laura : Et je suis aussi une grande fan de Disco, Donna Summer notamment. Je pense que j’ai traversé une grosse période Disco. Je regardais Scarface l’autre jour, dont la B.O. a été composée par Giorgio Moroder, je suis un peu obsédée par lui. J’aimerais tant que le Disco fasse son retour en grande pompe !
Il y a d’ailleurs une ambiance Disco très prononcée sur « Wrong Side ».
Laura : Oui, l’une de mes chansons préférées de tous les temps est « I Fell Love » de Donna Summer, et j’adore beaucoup d’autres titres de Disco. Je reviens toujours sur « Ring My Bell » par Anita Ward. Inévitablement le moment où j’allais proposer ça au groupe devait arriver ! Mais je pense que pour nous « Wrong Side » est une célébration de la réalisation de l’album. Au départ nous ne savions pas encore vraiment dans quelle direction irait ce morceau mais nous voulions qu’il soit fun et son enregistrement nous a donné tellement de plaisir du début à la fin, des tous les points de vue : les éléments Disco, le refrain aux guitares accrocheuses, la basse groovy… C’était vraiment un plaisir et avoir ce moment au milieu de notre set l’est aussi, on s’amuse vraiment à le jouer ensemble. C’est donc une célébration que nous avons faite de surcroit à notre manière.
Et où s’est passé l’enregistrement ?
Jackson : C’était près de Bath dans le Sommerset, dans un studio à la campagne. C’était incroyable, il y avait tellement de matériel là-bas. C’était vraiment inspirant parce que la salle d’enregistrement était composée d’une gigantesque fenêtre en verre à travers laquelle on pouvait voir la campagne dehors.
Laura : Et c’est vraiment rare parce qu’en général les studios sont vraiment sombres, tu ne sais plus l’heure de la journée… Nous avions enregistré « Bonnie » il y a un an et demi avec Charlie Andrew dans sont studio de Londres, il était très bien mais vraiment sombre.
Jackson : Pas de fenêtres !
Laura : Et puis comme c’était à Londres ça voulait dire que dès que tu en sortais, tu voyais plein de gens en train de rentrer du travail, tu replongeais dans la vraie vie. Pour notre créativité nous voulions vraiment partir loin et nous concentrer sur la réalisation de l’album.
Jackson : Nous y avons passé 2 à 3 semaines dans une maison ensemble, concentrés sur l’enregistrement.
« J’étais vraiment parano sur mon chant »
Et comment s’est passé la collaboration avec Charlie Andrew ?
Laura : Il est incroyable. Nous avons eu la chance de travailler avec lui auparavant sur l’EP « Bonnie » et il a cette capacité à faire ressortir non seulement le meilleur de nous, mais aussi notre côté le plus authentique. Il n’essaie pas d’y mettre des paillettes, il essaie juste de capturer la version la plus authentique de chacun de nous, ce qui est très bien parce qu’on se déteste un peu moins après ça, on apprend à s’accepter. Quand nous avons commencé j’étais vraiment parano sur mon chant, je voulais qu’il soit toujours parfait. Et en fait pourquoi est-ce que je voudrais ça au lieu d’être simplement moi-même, avec une voix qui n’est pas forcément parfaite. Il nous a vraiment aidés sur ce point-là.
Jackson : Oui, il sait comment s’y prendre avec chaque personne, individuellement. Et même si tu as des difficultés avec une partie de guitare par exemple, le plus dur c’était avec Laura. A chaque fois qu’elle allait dans la pièce pour enregistrer le chant il était tard, c’était toujours la nuit. Il n’y avait qu’une lumière tamisée. Elle se chauffait la voix et Charlie lui parlait pendant une demie heure, et sans s’en rendre compte il parvenait à capturer d’emblée le sens de la chanson.
Laura : Il commençait à me poser quelques questions et le temps de le dire il avait compris la signification de la chanson. Il était incroyable. Il a une petite fille formidable aussi, et sa femme a joué les parties de cordes sur « Ordinary Girl » et « Let It Out ». Il l’a fait jouer et je pense que ce fut l’un des moments les plus émouvants parce qu’il faisait jouer notre musique par quelqu’un d’autre. Nous ne savions pas comment elle avait arrangé les morceaux auparavant et elle est arrivée au studio et s’est mise à jouer ces parties magnifiques sur nos chansons. Nous nous sommes dit « Ouah ! ». C’est un étrange sentiment de pouvoir écouter ses composition d’un autre point de vue.
Et pourquoi avez-vous choisi d’appeler l’album « When We Land » ? C’est un peu comme si tout le monde l’attendait depuis longtemps et le voici enfin !
Laura : C’est plutôt nous qui l’attendions depuis longtemps ! Tous ceux qui font ça rêvent de leur premier album, ça n’arrive qu’une fois. Nous ne voulions pas l’appeler « Anteros » parce que nous avions déjà la chanson avec ce titre. Nous ne voulions pas être paresseux, nous voulions que le nom ait une signification. L’album est assez dynamique et nous ne voulions pas qu’une chanson englobe tout l’album mais plutôt quelque chose qui représente ses émotions, le sentiment de ce que nous avons vécu depuis nos 20 ans : Le passage à la maturité, nos découvertes et le fait de se sentir à l’aise en vivant dans une zone grise, se rendre compte du nombre de décisions importantes que nous devions prendre et qui allaient définir le reste de nos vies, même si nos étions à peine adultes. C’est ce que nous voulions mettre en avant, et jusqu’à maintenant nos vies n’avaient été qu’une escapade. L’heure était venue de prendre nos responsabilités et d’accepter l’âge adulte et qui nous sommes en tant que groupe. Nos avons toujours utilisé tellement de références à l’espace, comme la lune (« Moon ») et nous avons regardé de près toutes les paroles de l’album pour trouver celle qui représente le mieux ce sentiment, et nous l’avons trouvé sur l’un des titres bonus de l’édition Deluxe, « When We Land » sont les premières paroles de l’une de ces chansons. Tout le monde proposait plein de choses auparavant et puis lorsque cette phrase est arrivée nous avons tous été d’accord.
« Les chansons sont honnêtes et il faut l’être soi-même en les enregistrant »
Il y a plusieurs chansons de précédents EPs sur l’album, donc je suppose qu’il a été écrit sur une longue période ?
Laura : Oui, je pense que nous n’avions jamais eu l’occasion d’enregistrer correctement « Breakfast », c’était une démo, comme « Ring Ring ». Et « Anteros » aussi, mais un peu mieux. Nous voulions vraiment que « Breakfast » soit sur l’album parce que je détestais la première version. C’est marrant parce que c’est la chanson préférée de pas mal de fans, mais ce fut vraiment difficile parce que c’est l’une des premières que nous ayons sorties et j’étais vraiment parano avec ma voix. Je manquais de confiance en moi, parce que ma voix peut monter assez haut, ou descendre assez bas, elle peut être dure parfois, ce n’est pas parfait, elle est ce qu’elle est. Mais les gens de l’industrie n’aiment pas ça parce qu’ils ne savent pas comment la vendre. J’ai donc essayé de la changer, désespérément, et de me rendre plus aimable… J’ai tellement pleuré pendant l’enregistrement de cette chanson il y a quelques années en disant « Je n’arrive pas à chanter ça, je ne peux pas » parce que dans ma tête ça ne sonnait pas comme ça aurait dû. Et pendant longtemps j’ai vraiment détesté jouer cette chanson parce qu’elle me rappelait ces mauvais souvenirs. Mais après l’avoir tellement jouée et en voyant à quel point elle rendait les gens heureux, c’était devenu un bon souvenir pour tant de personnes que nous ne nous sommes même pas posé la question au moment d’enregistrer l’album. Donc en retournant en studio je n’y ai même pas pensé, ça n’avait plus d’importance, je voulais juste être moi-même, et pour ça que Charlie a été fantastique, parce que c’est ce qu’il m’a dit.
Jackson : Exactement, c’était surtout un moment où nous avons pu nous lâcher, plutôt que de nous inquiéter.
Laura : Je pense que maintenant tu peux l’entendre. Ça ne sonne pas comme si nous essayions d’y faire trop attention, les chansons sont honnêtes et il faut l’être soi-même en les enregistrant. C’est marrant, à l’origine « Ring Ring » était censé se retrouver sur l’édition Deluxe, et une fois que nous avons entendu le master nous nous sommes dit qu’il fallait absolument le mettre sur la version standard. Cette chanson est sensuelle, plutôt mid-tempo, elle parle de santé mentale, mais elle est percutante en même temps et nous adorons la jouer. Et beaucoup de gens ne l’avaient pas entendue parce que c’était une face B.
Vous voulez faire danser les gens, tout en parlant de sujets sérieux sur la vie et le monde en général.
Laura : Oui, et se laisser aller en même temps. C’est une chanson si cathartique, surtout au moment où je m’exclame « giving me nothing », et particulièrement en la jouant à un public qui ne l’a jamais entendue auparavant, c’est bon de pouvoir le dire, surtout quand ils ne bougent pas en face de toi, c’est tellement facile à dire ! (Rires)
« Nous surconsommons tout »
Le clip de « Drive On » traite de l’utilisation extensive du plastique et de ses effets dévastateurs sur la planète. Êtes-vous très impliqués dans la défense de l’environnement ?
Laura : Quand nous avons écrit cette chanson, je venais de faire mon premier voyage en Amérique et j’avais lu un article sur le vortex de déchets du Pacifique nord, cette l’île massive dans l’océan. Ce titre parle de tout le temps que l’on passe cachés derrière nos smartphones en prétendant vivre dans ce monde magnifique, à poster de belles photos, et en fait, le monde s’effondre. Nous surconsommons tout : les cosmétiques emballés dans du plastique, l’eau en bouteille, nous épuisons nos ressources… Il n’y a plus d’échappatoire, il faut y faire attention, plus que jamais, parce que les compagnies pétrolières produisent du plastique et elles ne voudront jamais s’arrêter. Et le recyclage du plastique coûte des millions aux gouvernements, ils n’en ont pas tellement envie, c’est tellement plus facile de mettre tous ces déchets sur bateau et de l’envoyer au bout de l’océan. Mais l’océan représente 70% de la planète et seulement 8 ou 9% des richesses mondiales sont investies dans sa préservation. C’est hallucinant de voir tous ces chefs d’entreprise qui dépensent des millions pour voyager aux quatre coins de la planète. Il suffirait de mettre 10% de cette somme dans la préservation de ce que nous avons, on n’a pas besoin d’aller sur une autre planète. Donc c’est très important pour nous d’attirer l’attention sur ce sujet. Sais-tu que notre génération a une très mauvaise réputation ? On l’appelle la génération flocon de neige (« The Snowflake Generation »), elle ne veut pas savoir ce qui se passe à l’extérieur, tout le monde est anxieux mais personne ne fait rien. Nous avons besoin de lever la tête et de prendre nos responsabilités vis-à-vis de ce que nous faisons à cette planète. C’est très difficile à faire en tournée, avec les différentes salles de concert qui t’accueillent, la camionnette… Il existe cependant un truc très cool maintenant, c’est un site web où tu peux payer pour annuler ton impact, par exemple pour compenser mes vols locaux j’ai l’habitude de faire une donation sur ce site, et l’argent est utilisé pour planter des arbres et effacer ton empreinte Co2. Tu peux donc faire des choses comme ça, mais pour nous il s’agit plus de convaincre les salles d’utiliser par exemple d’autres récipients et couverts que du plastique. Mais c’est une chose sur laquelle les artistes doivent travailler ensemble, parce que pour le moment nous ne faisons que des premières parties, nous ne pouvons pas nous permettre de réclamer une fontaine à eau, parce qu’ils ne nous la donneront pas. Certaines salles au Royaume-Uni sont meilleures que d’autres, lorsque nous demandons de ne pas utiliser de plastique, pas même biodégradable parce que ça prend quand même 400 ans ! En Allemagne les villes sont super pour l’eau, et elle est d’excellente qualité, mais beaucoup d’autres villes ne sont pas bien équipées malheureusement. C’est marrant, ça fait tellement de temps que j’en parle au groupe, maintenant chacun a sa propre bouteille d’eau, sa tasse de café portable… Lentement nous pouvons finalement avoir un impact, un à un.
Dans quelle mesure participez-vous à la réalisation de vos vidéoclips, parce qu’ils sont tous très réfléchis ?
Jackson : Les idées initiales et les scripts sont toujours venus de Laura. Ensuite, nous avons tendance à laisser les pros s’en charger, et Laura co-réalise et aide généralement avec certains aspects de la production. Jusqu’à présent, nous pensons que c’était le meilleur moyen de faire passer notre vision. Ils sont le fruit d’une longue réflexion et d’une grande attention.
Et où ont été tournées les vidéos pour « Fool Moon » et « Call Your Mother », pas au Royaume-Uni, je suppose ?
Laura : Nous avons tourné les vidéos de « Call Your Mother », « Ordinary Girl » et « Fool Moon » dans un désert au Maroc, à environ une heure de Marrakech. Nous avons tourné trois vidéos en trois jours, ce qui était beaucoup sous le temps de juillet. Nous avons vécu dans des yourtes au milieu du désert pendant ces 3 jours, ce qui a été une expérience incroyable.
La vidéo « Fool Moon » m’amène à vous interroger sur la pochette de l’album, qui l’a faite ? Est-ce compliqué de trouver la bonne pochette d’album ?
Laura : Quand nous sommes partis pour le Maroc, l’idée était de nous prendre en photo, mais nous étions tellement absorbés par le tournage de la dernière vidéo (« Fool Moon ») que nous avons complètement oublié la pochette de l’album ! C’est arrivé à la dernière minute, alors que le soleil se couchait. Nous avons beaucoup aimé travailler sur le projet avec Bella Howard. Son énergie est incroyable, elle est très créative et agréable à travailler.
Votre chanson « Drunk », sortie il y a quelques années, comportait quelques paroles en espagnol. Est-il important pour toi, Laura, que tes origines espagnoles se perpétuent à travers ta musique ?
Laura : J’ai grandi à Barcelone, et j’ai vécu en Espagne jusqu’à il y a 6 ans, quand j’ai déménagé à Londres pour commencer à écrire des chansons. Cependant, depuis que j’ai commencé à écrire, j’ai eu l’impression que c’était plus facile pour moi de m’exprimer en anglais. Il me semble qu’il y a plus de façons de décrire les situations et les émotions, alors que, alors qu’en espagnol, on se sent plus direct. J’aime l’idée d’avoir des parties en espagnol, mais je veux m’assurer que ça se passe bien et que ce ne soit pas juste pour le plaisir de le faire.
Nous sommes à quelques semaines de la sortie de l’album… Comment vous sentez-vous ?
Jackson : Excités, nerveux, anxieux, ça dépend des jours !
Laura : Ça dépend surtout de ce que nous avons bu la nuit d’avant et de notre état de fatigue. Parfois c’est super et nous nous sentons vraiment chanceux de faire ça, d’autres fois je n’ai envie de lire aucune chronique, surtout si elles sont vraiment mauvaises, et une nuit je me suis réveillée en me disant « et si tout le monde s’en foutait ? ». Et ça c’est pire ! Au moins pour une mauvaise chronique quelqu’un a pris le temps de se pencher dessus ! Mais soyons positifs : nous sommes fiers de ce que nous avons fait, nous aimons l’album et quoiqu’il se passe nous avons fait le disque que nous voulions faire. Nous nous sentons déjà très chanceux d’avoir pu faire ça.
Propos recueillis à Paris le vendredi 8 mars 2019. Crédits photos : Phoebe Fox
Un grand merci à Anteros, à Marion Pacé pour avoir rendu cette interview possible, ainsi qu’à l’agence Ephélide et Distiller Records.
Pour plus d’infos :
Lire la chronique de « When We Land » (2019)
Le Point Ephémère – Paris, vendredi 8 mars 2019 : galerie photos
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