Depuis « As Day Follows Night » sorti en 2010, Sarah Blasko nous avait habitués à une musique riche en arrangements, une Pop d’orfèvre qui privilégiait de plus en plus les sections à cordes. Mais la vie est faite de cycles et après sa période européenne marquée par le très orchestré « I Awake » elle est revenue aux sources sur « Eternal Return », un album bien plus intimiste dans sa réalisation. Cette fois-ci les synthétiseurs sont à l’honneur, une apparente simplicité au service de chansons d’amour qui mettent parfaitement en valeur ses qualités d’auteur et d’interprète.
Il y a quelques années tu avais enregistré « I Awake » avec un orchestre et terminé par un concert également enregistré avec un orchestre philharmonique. Aujourd’hui tu reviens avec quelque chose de totalement opposé, penses-tu que c’est une réaction à cela ?
Sarah Blasko : Je pense que oui. J’avais fait un disque particulier et j’essaie de faire quelque chose de nouveau à chaque fois. Je pense cependant toujours être la même, mes goûts n’ont pas changé. Ma musique sonne ainsi si je n’utilise que des claviers à la place d’un orchestre. Je vois beaucoup de similarités entre mes albums mais le fait que ce soient des claviers et non des cordes le fait évidemment sonner différemment. Mais je pense que mon approche avec cet instrument a été la même qu’avec un orchestre. Je cherche à créer des mélodies fortes, je ne suis donc pas si choquée que cela par ce changement. Mes goûts musicaux sont très larges, et ce qui est fun c’est justement de faire quelque chose de différent à chaque fois, de trouver un truc excitant pour avoir envie de continuer.
Les vieux synthétiseurs constituent donc un élément central sur cet album, ressens-tu une certaine nostalgie envers les années 80 ?
Sarah Blasko : C’est marrant, tout le monde trouve que ça sonne années 80, mais ces claviers datent en fait des années 70. Et la production des années 80 est très différente aussi, comme les sons de batterie par exemple. Je suis née en 1976, je suis donc une enfant des années 80, et j’ai une relation amour-haine envers cette époque. Il y a sans aucun doute des choses que je trouve vraiment ringardes, mais certaines de mes chansons préférées datent des années 70 et 80. Il y a eu de grands artistes de Pop à cette époque.
Il y a également une touche plutôt Soul sur certains titres, notamment sur ‘Beyond’ qui peut faire penser à Tina Turner.
Sarah Blasko : Oui c’est vrai, je l’entends quand je la chante !
Tu as récemment rendu hommage à David Bowie avec une très belle reprise de « Life On Mars », était-il une grosse influence pour toi ?
Sarah Blasko : Oui, je l’ai écouté toute ma vie. C’est un artiste qui a toujours fait des albums intéressants, tellement de choses différentes et variées. Des gens comme lui ou David Byrne m’ont toujours beaucoup inspirée. Des femmes comme Björk aussi. Tu sens qu’ils suivent leur propre chemin, la carrière de David Bowie a connu des hauts et des bas, a pris des virages différents et je respecte beaucoup cela, même si ce n’est pas toujours bien reçu.
Tu décris « Eternal Return » comme étant un album sur l’amour, ce qui est assez évident lorsqu’on l’écoute en effet. Cependant pour moi ses prédécesseurs traitaient aussi de l’amour, quelle est la différence aujourd’hui ?
Sarah Blasko : Je pense que celui-ci est plus une célébration de l’amour et de ce que c’est d’aimer. C’est un amour qui vient des expériences passées, mais malgré ça l’accent est porté sur le fait d’être amoureux comme on ne l’a jamais été auparavant, c’est un peu le message de ce disque. Des chansons comme ‘Without’ qui est la dernière de l’album traitent de l’aptitude à aimer que l’on a en soi. Ça ne parle pas de l’amour au sens romantique du terme, il s’agit plus d’être quelqu’un d’aimant.
On dit souvent qu’il est plus facile d’écrire des chansons quand on est déprimé plutôt que nageant dans le bonheur. En fin de compte tu te sens à l’aise avec les deux ?
Sarah Blasko : C’est dur d’écrire des chansons sans arrêt, mais je ne sais pas, j’ai pris du plaisir à écrire ces chansons alors que je me trouvais dans un état d’esprit plus léger. Mais je pense que quand tu évolues en tant qu’écrivain, que du parles d’amour ou de douleur, il est nécessaire de faire les choses avec une certaine générosité. J’ai voulu me rapprocher des gens de plus en plus. Tu ne peux pas faire quelque chose qui ne vient pas naturellement, mais je voulais certainement être plus généreuse dans mon discours, parce qu’il est facile de rester dans un coin à se punir. Je préfère parler de problèmes universels et d’être ouverte, plutôt que de me cacher.
Je suppose que vu le résultat, ton procédé d’écriture a peut-être été assez différent de celui de « I Awake » ?
Sarah Blasko : Ç’a été très simple. J’avais écrit mes deux derniers disques seule au piano, ainsi que quelques chansons que j’avais co-écrites avec quelques collaborateurs. J’ai essayé de faire ça cette fois-ci encore mais ça ne fonctionnait pas bien, donc j’ai commencé à écrire avec mes amis. Nous avons expérimenté des choses que nous n’avions pas essayées auparavant. Ces chansons d’amour sont venues assez naturellement. Nous nous sommes fixés quelques règles, comme écrire sur ces synthétiseurs en utilisant une boîte à rythmes. Je voulais juste m’assurer que le tempo des chansons soit un peu plus rapide que sur mes disques précédents. En effet tout cela était probablement une réaction à ce que j’avais fait auparavant.
« Eternal Return » pourrait être la bande son de ton retour en Australie, puisque je crois que tu as passé du temps en Europe et notamment au Royaume-Uni?
Sarah Blasko : Oui, c’est un peu ça en effet puisque je l’ai écrit en Australie. Quand tu passes du temps dans un autre pays et que tu vis là-bas en étant un étranger, tu te rends compte de l’importance de tes proches aussi bien dans la musique que dans la vie en général. Donc en effet en écrivant cet album je renouais les contacts avec la scène locale en quelque sorte, parce que tous les gens à qui j’ai demandé d’être sur le disque sont des gens avec qui je suis amie depuis longtemps.
Et donc le titre « Eternal Return » signifie donc que tu reviens à tes racines ?
Sarah Blasko : Oui certainement parce que pour moi tomber amoureuse c’est comme retourner en enfance, ou vers un endroit où l’on a déjà été et où l’on se sent bien, tu te reconnectes avec certaines périodes de ta vie.
Tu as enregistré ton album avec Burke Reid qui a récemment produit celui de Courtney Barnett entre autres, peux-tu me dire comment ça s’est passé ?
Sarah Blasko : C’était bien, nous avons fait des journées à rallonge! Il ne manque jamais d’énergie, il est très enthousiaste, je n’ai jamais vu quelqu’un comme lui. Ce fut une expérience très différente de celles que j’avais connues avec d’autres producteurs dans le passé. Il peut emmener une chanson dans une direction et s’il trouve que ça ne fonctionne pas il te dit non, on change tout ! J’ai trouvé ça parfois un peu épuisant, mais il a vraiment compris ce que je voulais faire. Il était très excité de travailler sur un disque de Pop et nous avions les mêmes références en tête. En tout cas je voulais vraiment que quelqu’un me dirige cette fois-ci.
Tu avais produit tes deux disques précédents n’est-ce pas ?
Sarah Blasko : Oui, mais j’ai trouvé cette partie-là vraiment difficile, j’avais envie de lâcher un peu de ça. Tu partages toujours une vision singulière avec quelqu’un qui est plus ou moins responsable de l’enregistrement, mais tu l’es aussi en même temps… C’est un peu étrange, j’avais parfois l’impression d’aller un peu en marche arrière, parce que normalement plus le temps passe et plus tu as envie de prendre les choses en main, mais de ce point de vue il a été très respectueux envers moi.
Tu disais qu’il ne manquait pas d’énergie, et je crois que tu étais enceinte pendant l’enregistrement, j’imagine que c’était un peu fatigant ?
Sarah Blasko : Oui, ça l’était parce que nous avions l’habitude d’enregistrer de 11 heures du matin jusqu’à 3 heures du matin le lendemain ! La moitié du temps je me demandais s’il se souvenait que j’étais bien enceinte, mais nous en avons parlé tout le temps ensuite, donc je pense lui avoir suffisamment rappelé !
Tu vas bientôt jouer en concert à Paris, comment tes anciennes chansons s’adaptent-elles à ce nouveau son, les as-tu retravaillées, as-tu un nouveau groupe avec toi ?
Sarah Blasko : Oui, j’ai monté un groupe pour cette occasion avec des amis qui vivent à Londres. Effectivement, nous adaptons les anciennes chansons aux claviers, mais j’ai déjà fait ça dans le passé parce que je ne pouvais pas toujours avoir un orchestre avec moi, donc j’avais déjà dû m’y habituer. Nous sommes 5 sur scène et c’est vraiment chargé en synthétiseurs, il y en a beaucoup sur la scène.
Peut-on finalement dire que ‘Eternal Return’ est l’album « heureux » de Sarah Blasko ?
Sarah Blasko : Je ne le vois pas comme ça. Je pense qu’il y a pas mal de mélancolie dans la musique. Ce serait un raccourci trop rapide parce qu’il y a plus que cela, il n’y a pas que de la joie. Il s’en dégage de la beauté et de la force.
Propos recueillis à Paris le mercredi 4 mai 2016.
Un grand merci à Sarah Blasko, ainsi qu’à Gilles Gaillot pour avoir rendue cette interview possible.
Sarah Blasko sera en concert aux Étoiles à Paris le jeudi 19 mai 2016, toutes les infos ici : https://www.facebook.com/events/1661352057450929/
Pour plus d’infos:
Lire la chronique d’ « Eternal Return » (2016)
Voir la galerie photos du concert au Café de la Danse, le 16 avril 2013
Chroniques:
‘I Awake’ (2013)
‘As Day Follows Night’ (2010)
Lire l’interview de Sarah Blasko, le 15 mars 2010
La Maroquinerie, Paris, jeudi 1er avril 2010 : compte-rendu / galerie photos
http://sarahblasko.com/
http://www.facebook.com/sarahblaskomusic
http://twitter.com/sarahblasko