Date de sortie : 4 avril 2025 / Label : Bella Union / Pays d’origine : Angleterre

Tous les amateurs de dream pop et de shoegaze connaissent Miki Berenyi, la chanteuse jadis aux cheveux rouges (désormais bruns) de Lush qui, comme de nombreux autres artistes de cette époque, a longtemps pris ses distances avec l’industrie musicale. On pensait alors que son nom ne resterait qu’un beau souvenir d’adolescence, jusqu’à une reformation de Lush en 2015, inespérée mais éphémère. Si ce retour fut éclair, il incita néanmoins Miki Berenyi à poursuivre l’aventure avec de nouveaux projets, avec la naissance de Piroshka, un « supergroupe » avec son compagnon, l’ancien guitariste de Moose, KJ ‘Moose’ McKillop, du bassiste de Modern English, Mick Conroy, et de l’ancien batteur d’Elastica, Justin Welch.

Après deux disques en 2019 et 2021, dont on retiendra surtout les textures atmosphériques, l’aventure Piroshka se termine. Mick ayant déménagé en Amérique et Justin étant quant à lui occupé par ses séances de travail et ses concerts avec The Jesus & Mary Chain et The Pretenders, Piroshka a été mis de côté. Une fin qui n’en est pas tout à fait une, puisque naît dans la foulé le Miki Berenyi Trio, également appelé MB3, toujours avec Kevin McKillop, le guitariste Oliver Cherer et… une boîte à rythmes ! Tout a commencé avec des versions réimaginées des chansons de Lush jouées lors de séances de dédicaces en boutique et festivals de musique et littéraires au Royaume-Uni. Il s’en est suivi une série de séances d’écriture. « Rien n’était prévu », se souvient Oliver. « C’était plutôt un processus organique ».

Si ce trio marque le début d’un nouveau chapitre, il représente aussi une synthèse des expériences passées de sa chanteuse, dont la voix, les chœurs, le jeu font irrémédiablement appel à la nostalgie des auditeurs. Celle d’une époque pas si lointaine où les ambiances éthérées, bercées de guitares où les effets de chorus étaient rois, étaient le cœur battant de l’indie rock britannique. Ce premier album sobrement intitulé « Tripla » – ou « Triple » en hongrois, langue maternelle du père de Miki Berenyi – possède tous les atouts qui ont un peu fait défaut à Piroshka pour sortir de l’anonymat, à savoir des titres forts, dont les mélodies se dégagent derrière la brume. Malgré les angoisses personnelles abordées sur « A Different Girl » ou « Vertigo », « Tripla » est un disque qui répand une certaine lumière, celle d’un groupe qui mise d’abord sur le plaisir de jouer ensemble, sans la pression du passé ou d’une quelconque quête de gloire. Mixé par Paul Gregory (de Lanterns On The Lake), « Tripla » bénéficie également des illustrations de Chris Bigg – qui a conçu les pochettes de Piroshka et contribué à toutes celles de Lush – intégrant des photographies de Martin Andersen.

« Tripla » n’est pas un album de Lush, mais il en a assurément toute la saveur. Un disque de dream pop remarquable et envoûtant qui bénéficie d’un savoir-faire que l’on croyait oublié. La ligne de basse de « Gango », l’atmosphère de « Big I Am » et le bon usage de la boîte à rythmes sur les nappes de synthétiseurs et de guitares sont autant de plaisirs qui laissent derrière eux un véritable sentiment d’accomplissement.