‘Pursuit’, album n°3 : l’énergie de Stuck In The Sound est toujours aussi vive qu’il est difficile de croire que le groupe fête déjà aujourd’hui ses 10 années d’existence. Une décennie durant laquelle le combo Indie Rock révélé par ‘Toy Boy’ a montré sa capacité à évoluer tout en restant fidèle au son « Stuck ». Avec ce nouvel album encore plus varié, cette imparable marque de fabrique pourrait bien les emmener tout droit vers la consécration. Entretien avec José Reis Fontao, chanteur du groupe.
Comment s’est passée la composition de l’album cette fois-ci, vous avez pris votre temps après ‘Shoegazing Kids’?
JRF : Ça nous a pris un an et demi. On a commencé en fait par la construction de notre studio près de la mairie de Montreuil. Ça nous a pris 6 mois de travaux, et ensuite on a pris le temps de composer pour trouver la méthode d’enregistrement aussi, des prises live ou séparées, puis le mixage et le mastering jusqu’en octobre dernier.
C’est quoi ‘construire’ votre propre studio ? C’est faire la maçonnerie ? Installer la table de mixage ?
JRF : Ouais, c’est tout ! On a tout fait nous-mêmes, avec nos mains ! On a construit une boîte dans la boîte. C’est-à-dire qu’on a fait un bail professionnel d’un local de 150 mètres carrés séparé en trois pièces, et il fallait isoler chaque pièce pour en faire de vrais studios, pour que le son soit bien mat. Donc on a refait des murs, le sol… on a tout fait quoi !
Et c’est terminé ?
JRF : Non, c’est pas fini. Il manque la grande pièce encore, parce que là il y a la promo, la tournée, on n’a pas le temps.
Et ce studio alors, ça vous a offert plus de liberté pour enregistrer?
JRF : Oui, un confort total. Pour le deuxième album on avait dépensé une fortune pour aller 10 jours au studio Vega à Carpentras, et ensuite le mixage à New York. Donc là non c’est un album complètement fait maison comme au tout début de Stuck.
Et vous avez aussi un musicien en plus maintenant ?
JRF : Oui, c’est Romain Della Valle, notre ingénieur du son qui a enregistré nos deux premiers albums, et qui a mixé le troisième. Et là on a décidé de l’intégrer au groupe , parce que c’est un excellent guitariste et on voulait « un mur de guitares » sur scène!
Après avoir fait un 1er album Indie Rock accrocheur, on a une suite bercée par le thème du Shoegazing et là, on se retrouve avec un disque beaucoup plus éclectique qui ressemble à un hommage à un Rock plus psychédélique, 70’s ?
JRF : C’est une fusion de plein de choses. Ca reflète bien ces dernières années. On a écouté beaucoup de choses et pas que du Rock. Déjà pour ce côté influencé par le Rock des années 70, 80 ou 90, on pense qu’on ne peut pas se détacher de nos influences. C’est ça aussi le Rock. On a écouté toutes sortes de choses et on les recrache à notre manière dans notre musique. Et dans cet album qui est vachement plus éclectique, tu ressens des touches de Soul, d’Electro aussi sur ‘Brother’, des ballades un peu 70’s à la Neil Young. Donc oui : avec ‘Pursuit’, c’est l’année de la fusion.
L’album a été précédé par deux vidéos qui ont fait pas mal de buzz sur internet, surtout la première, celle de ‘Pursuit’, peux-tu m’en parler ?
JRF : Oui, ‘Pursuit’. En fait c’est un pote qui est réalisateur qui s’appelle Caled Krivoshey. Le lendemain d’un mariage il est venu nous voir, il m’a dit « Regarde ce que j’ai fait avec Fortiche ! ». Ce sont des gars spécialisés dans la 3D. Il a fait un mini court métrage pour le marié où il a remplacé la tête de Christophe Lambert dans Highlander par celui du marié, et je regarde le truc, je suis mort de rire et je lui dit « Vas-y, on fait un clip pour Stuck In The Sound avec ce procédé-là ! ». Et voilà, c’est parti de là. Donc c’a été un mois de déconnades à choisir chaque film ! Le montage est génial !
J’ai grandi avec ces films-là !
JRF : Pareil ! On a grandi avec les films des années 80, ‘Retour vers le futur’ c’est mon film préféré. Y’a Indiana Jones dedans, les Gremlins… C’est vraiment fendard, pour moi c’est le clip de l’année !
Il n’y a pas eu de problèmes pour utiliser les images des films ?
JRF : On aurait pu avoir des problèmes et finalement on n’en a pas eu parce que les mecs de chez Warner ont autre chose à foutre que de s’occuper de notre cas ! On n’est pas Kanye West… Mais peut-être que ça peut nous tomber sur la gueule un jour, que la vidéo risque d’être supprimée définitivement du net dès que les mecs vont se réveiller, je ne sais pas… Pour l’instant ça va ! Ca va faire comme Megaupload. Oh là là je suis dégouté hier soir j’étais chez moi je voulais me mater une série, j’ai pas pu j’étais super énervé, j’étais à fond avec les Anonymous et tout ! Je trouve que c’est horrible ce qui se passe.
De toute façon il y aura toujours d’autres moyens, ça va pas arrêter les échanges de fichiers…
JRF : Oui c’est sûr il y en aura toujours. Mais je me rends compte que c’était vraiment un habitude de regarder les séries sur Megaupload !
Revenons au disque ! La pochette de votre album, cette plage sur fond rouge…
JRF : C’est une étudiante en art qui l’ai fait qui s’appelle Mai Ito Delhomme, et il n’y a rien de retouché dessus. Elle a pris une photo brute de plage qu’elle a projeté contre un mur avec un rétroprojecteur, puis elle a pris une photo et ça fait ce panel de couleurs qui est naturel, propre au rétroprojecteur. Ca a mis tout le monde d’accord dans l’équipe de Stuck, on a fait « ok, c’est ça la pochette ! ». ça représente bien le groupe et l’état d’esprit : voir l’horizon, la mer, un truc simple et beau, et puis un peu psyché aussi avec toutes ces couleurs puisque l’album est éclectique et qu’il y a plein de couleurs dedans. On n’allait pas remettre une gonzesse, tu vois. Le premier album on a mis un enfant, le deuxième une ado qui regarde ses chaussures, sur le troisième on n’allait pas mettre un Top model… On n’est pas un groupe Rock’n’Roll !
Le nouvel album est plus varié, mais aussi plus positif que ‘Shoegazing Kids’, tu es d’accord avec ça ?
JRF : Oui, je suis d’accord, mais ça reflète bien l’état d’esprit dans lequel on était, juste du plaisir. Celui de kiffer tous les quatre ensemble, de composer… On avait envie de faire des choses un peu plus joyeuses c’est vrai. On avait une thématique tellement mélancolique et dark sur le deuxième album – ‘Shoegazing Kids’ c’est un album très ‘bleu’, très sombre – et sur le troisième on avait envie de sourire un peu. Parce que quand même : 2010 et 2011 c’était pas des années glorieuses ! C’était pas gai, et là 2012 je me suis dit allez, on tourne la page et on fait un album un peu plus shiny. Mais toujours avec des thématiques un peu nostalgiques et romantiques, on n’a pas perdu ce côté-là.
D’ailleurs, en ce qui concerne ‘Brother’, il y a un côté dansant dans ce morceau qui tranche pas mal avec le reste de l’album.
JRF : Oui, en fait c’est parce que ce titre a été composé par mon frère, David Fontao – I Am Un Chien. On l’a composé ensemble dans la cave de papa et maman et on a décidé de le mettre dans l’album, reproduit par Stuck In The Sound, c’est-à-dire on a refait de la batterie, la basse, les synthés. Mais ce titre est un ovni en fait, parce qu’il vient d’une autre personne à la base. Mais on a quand même décidé de le mettre dans l’album parce que… C’est un tube !
Il y a longtemps que vous aviez envie de faire ce genre de morceaux ?
JRF : Ce n’est pas une envie, on a plutôt pris le morceau tel qu’il était comme ça, c’était bien donc on l’a mis dans l’album. Encore une fois ça reflète l’état d’esprit 2012, de ne pas se priver de mettre des petits sons Electro, de faire un truc linéaire… Moi j’adore ce titre ! Le côté Michael Jackson / Sonic Youth !
Vous avez aussi beaucoup tourné à l’étranger je crois, qu’avez-vous retenu ou appris de ces nombreux concerts ?
JRF : On a appris qu’il ne suffisait pas de faire une date à l’étranger pour être connu. Il va falloir cette fois-ci organiser de vraies tournées à l’étranger. Ca a toujours été dispersé un peu à droite et à gauche pendant les deux premières tournées. Mais c’est un de nos vœux de 2012, de pouvoir faire ces tournées. Là on va faire France, Suisse, Belgique et ensuite on va se concentrer uniquement sur l’étranger. Par contre ça nous a appris plein de choses, par exemple qu’il n’y a pas que le public français qui est cool. Quand on va jouer en Hongrie, à Budapest, le public est incroyable, ou quand on a joué à Taïwan…
Ah ! Justement je voulais te poser la question, je me souviens que tu avais publié il y a longtemps sur Facebook une vidéo devant un public déchaîné, ça avait l’air d’être en Asie.
JRF : Oui, en fait on a été surpris ! On connaît un vrai succès à Taïwan. Je pense que c’est dû à ‘Toy Boy’ qui a été synchronisé sur le jeu Guitar Hero, du coup on a une base de fans incroyable. On a joué devant 40 000 personnes, comme si on était Metallica ! C’était un festival gratos en bord de mer à Taïwan qui passait en direct à la télé… On a halluciné, complètement ! Il y avait aussi la princesse de Chine qui était là et qui me disait « j’adore Stuck ! », moi je me disait « mais qu’est-ce qui se passe à Taïwan ?! » (rires).
Sinon en France vous avez joué au Bataclan devant un public entièrement dédié à votre cause, c’était une forme de consécration ?
JRF : Oui, une consécration super stressante. Jouer devant la famille, les proches, les fans parisiens qui nous connaissent depuis « Nevermind The Living Dead » et même avant, c’était vraiment pour nous une date hyper stressante. Et oui, ça a été une consécration. Faire la Cigale le 22 mars ça va en être une autre. C’était vraiment une salle que l’on voulait faire depuis super longtemps. Donc si on démarre sur une Cigale à Paris, pourquoi pas espérer un Olympia dans un an, ce serait bien !
Un Zénith ?
JRF : Au Zénith ! Ahaha, ah ouais ce serait bien ! Moi je reste modeste, je voulais juste un Olympia. Mais un Zénith, si cet album cartonne en France, ce serait beau.
En tout cas on a l’impression qu’en France vous êtes l’un des rares représentants d’un son ‘Indie Rock’ comme le feraient les anglais et les américains qui parvienne à obtenir un vrai succès national.
JRF : En fait c’est grâce aux 10 ans de Stuck. Notre force c’est que l’on s’est implanté dans la scène musicale française, mais derrière il y a plein de groupes super bons qui maîtrisent encore mieux que nous le son Indé. Nous on n’a plus l’impression d’être un groupe Indie Rock en fait, on a l’impression d’être juste un groupe de Rock un peu connu en France. Mais derrière il y a une scène Indé incroyable qui n’aura peut-être pas la chance d’avoir notre statut parce que c’est vraiment compliqué en France de faire ce style-là. Alors pourquoi nous ? Je ne sais pas, parce qu’il en faut bien un qui sorte du lot. On a cette chance-là, on s’en rend compte tous les jours, on se dit qu’on a énormément de chance. Je pense que Toy Boy ça a beaucoup aidé, les tournées aussi…
C’était à l’époque de Cocoon qui avait décollé aussi…
JRF : Oui, Cocoon qui faisait nos premières parties.
Je vous avais vus au Glaz’Art en 2006.
JRF : Oui je me souviens que Mark (Daumail, de Cocoon, ndlr) était complètement stressé parce qu’il faisait le Glaz’Art, et puis après plus tard il faisait des Zéniths ! C’est marrant !
Et il y a des groupes dont vous vous sentez proches justement en France ?
JRF : Bien sûr ! Il y a plein de groupes super bons comme Quadricolor, The Dodoz de Toulouse qui sont incroyables, y’a mon frère avec I Am Un Chien, ils vont tout exploser dans un an, ils préparent un album de fous ! Il y a Juvenile de Rennes, c’est super fort, ils sortent un truc chez Kitsuné. Il y a nos potes Eldia qui sont des songwriters incroyables. J’en ai pas d’autres en tête mais il y en a plein, c’est déjà pas mal !
Avant de terminer je vais revenir sur cet album qui me fait penser à plein de choses, donc je vais te citer quelques exemples et tu vas me dire ce que tu en penses :
Les riffs rapides des couplets de ‘Fred Mercure’, ça me fait penser aux Wedding Present.
JRF : Ahah ! C’est cool ! Bah nous sur Fred Mercure on était plus dans un délire genre Dinosaur Jr. mélangé avec les Cure avec une voix à la Freddie Mercury ! C’est pour ça que ça s’appelle ‘Fred Mercure’ ! Mais les Wedding Present c’est cool !
Oui c’est vraiment le fait de jouer des riffs très rapide sur les couplets, comme sur leurs premiers albums.
JRF : oui, on dirait les Woodentops aussi un peu.
Ensuite ‘Let’s Go’, il y a un très gros riff au début…
JRF : Lequel, l’arpège ou quand ça pète ?
Quand ça pète ! Moi ça me fait penser aux groupes de Rock ‘héroïques’ des années 70, genre Queen, justement ! Même à la rigueur l’ambiance de ‘I Told You’ qui est un peu psychédélique.
JRF : ‘I Told You’, ouais, ça fait vraiment 70’s . je suis d’accord, avec sa ligne de basse un peu Blues, c’est sûr, c’est le titre le plus rétro, entre guillemets, de l’album. « Classic Rock » un peu. ‘Let’s Go’ je vois un peu moins, je ne vois pas trop le côté Queen…
Mais c’est vraiment juste sur ce passage là, pas le reste. C’est dans la lignée Queen des années 70.
JRF : Alors c’est possible mais je ne dois pas connaître assez bien alors.
Ensuite, le break de ‘Purple’…
JRF : Enorme! ENORME !!!
Justement là je reviens encore sur les années 70, ça me fait penser à une musique de série funky, genre ‘Shaft’ ou même ‘Starsky & Hutch’!?
JRF : Ah, c’est bon ça! Tu sais, ce riff-là on l’a composé quand on avait 23/24 ans. Ce truc progressif là? C’est un vieux riff. Mais qu’est-ce que je le kiffe, je suis trop content qu’il soit dans cet album! On en faisait plein des plans progs comme ça, on en a d’autres en stock qu’on mettra… sur les prochaines chansons!
Allez, on garde le meilleur pour la fin : la voix éraillée sur les couplets de ‘Brother’…
JRF : J’avais une angine, ahaha!
C’est, euh, un peu Rod Stewart !
(rire général)
JRF : Ah oui, moi je voyais plus un Michael Jackson enrhumé!
Sur le refrain c’est plus Michael oui, ou Prince…
JRF : Ouais, ça c’est vrai.
Enfin, je disais ça surtout pour la rigolade! Et voici ma dernière question : José, avec cet album différent, ‘Pusuit’, on fait tomber la capuche maintenant?
JRF : Et bien ce n’est pas qu’on la laisse tomber mais on apprend à vivre sans, et des fois avec. En fait je vais faire comme je le sens. S’il y a un concert où j’ai envie de l’enlever je vais le faire, si j’ai envie de la garder je la mettrai. Ca dépendra peut-être des titres, je sais pas trop. Mais en tout cas elle est là, toujours, derrière moi, même si je ne la met pas elle est toujours là, dans un coin.
Ok, et bien nous aussi, on est tous derrière vous!
Propos recueillis à Paris le vendredi 20 janvier 2012.
Un grand merci à Stuck In The Sound, ainsi qu’à Xavier Chezleprêtre d’attitude.net pour avoir rendu cette interview possible. Crédits photos © Julien Mignot.
Pour plus d’infos :
Voir la galerie photos du concert au Bus Palladium, le 26/01/2012
Chroniques:
‘Pursuit’ (2012)
‘Shoegazing Kids’ (2009)
‘Nevermind The Living Dead’ (2006)
Festival Des Inaperçus, Le Glaz’Art, Paris , mercredi 7 février 2007 : compte-rendu / galerie photos
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