Samedi 24 février 2007, 17h15. Me voilà à la Maroquinerie pour la toute première interview du webzine, en compagnie d’une hôte charmante en la personne de Hafdis Huld qui vient de sortir son premier album en novembre dernier chez Ocean Music, ‘Dirty Paper Cup’, un disque récemment récompensé aux Victoires de la Musiques Islandaises dans la catégorie ‘meilleur album pop’. Un rendez-vous au bar, en sous sol, près de la salle, alors que le groupe partageait un déjeuner tardif (ou un dîner de bonne heure) sur le comptoir…
Bonjour Hafdis ! Avant de commencer, je tiens à te préciser qu’il s’agit là de ma toute première interview, donc ne soit pas étonnée si j’ai l’air un peu stressé!
Dans ce cas vais faire semblant d’être la personne qui travaille au bar, je me rapproche, comme ça nous allons pouvoir faire connaissance en partageant ce bon paquet de chocolats !
Puisque le public français de découvre tout juste en tant qu’artiste solo, pourrais-tu te présenter rapidement ? De quel coin d’Islande viens-tu ? Quand as-tu commencé à faire de la musique ?
OK, mon nom est Hafdis Huld, j’ai grandi dans un village du nom de Kópavogur, près de Reykjavik. J’ai commencé la musique avec le groupe Gus Gus à l’âge de 15 ans et j’ai signé mon premier contrat avec une maison de disques à 16 ans. J’ai joué pendant 4 années avec le groupe. C’est alors que j’ai décidé de commencer à avoir mes propres projets, notamment jouer dans des films. J’ai ensuite fait des études de musique et écrit mon premier album, qui est très différent de tout ce que j’avais fait jusque-là avec Gus Gus. J’étais auparavant dans la musique électronique et je voulais faire de la musique jouée par de ‘vraies gens’, tu vois, pas par des ordinateurs.
Justement, je me demandais si tu ne te sentais pas trop à l’étroit au sein de Gus Gus, si tu aspirais à autre chose ?
Je pense que c’est ce qu’une part de moi ressentais d’un certaine manière, parce que je me suis retrouvée un peu entraînée dans cette aventure, imagine, à l’âge de 15 ans ! C’était une très belle expérience, mais en grandissant j’ai plus pris le temps de penser à ce que je voulais faire, et je me suis également rendue compte que j’avais le choix de faire quelque chose de plus personnel. J’ai adoré les années passées avec Gus Gus, mais il était temps de passer à autre chose.
De plus tu n’étais la compositrice principale de Gus Gus, alors que maintenant il s’agit de tes propres chansons.
Oui. Et puis la musique électronique est surtout basée sur le ‘feeling’, un bon groove, alors que maintenant il s’agit plus de raconter des histoires. J’aime les histoires, les mettre en musique, les raconter, leur signification et toute l’atmosphère qui s’en dégage. C’est une manière d’écrire totalement différente.
Quelles ont été tes influences ?
On me pose souvent cette question, mais je ne crois pas écouter un genre de musique en particulier en pensant ‘je veux que ça ressemble à ça !’. Tu vois, je ne pense pas que l’on puisse vraiment dire que cela ressemble à tel ou tel artiste.
Personnellement cela me fait un peu penser à la musique Folk Américaine.
Oui c’est vrai. J’aime la Folk. En fait mes artistes préférés sont Dolly Parton et Burt Bacharach. Parce qu’ils chantent de belles choses. Mais je ne pense pas que ce que je fais leur ressemble, j’aime simplement leur musique, c’est tout ! La seule influence que j’en tire est peut-être leur manière de raconter des histoires.
Il y a également une reprise du Velvet Underground sur ton album, ‘Who Loves The Sun’. Pourquoi as-tu choisi cette chanson ?
Je pense que l’atmosphère de ce morceau se marie bien avec celle de mes chansons. Ce n’était pas juste pour faire une reprise, mais simplement parce que celle-ci correspond bien à ma voix et à ma personnalité, quelque chose de léger et agréable… Ca me convient vraiment, avec mon ukulélé rose brillant ! (en anglais son ‘Pink Glitter Yukulele’).
Oui ! J’ai vu ça sur ta page Myspace, tu te décris comme une ‘Glittery Fairy Princess’ (en gros, ‘une fée princesse scintillante’), que veux-tu dire exactement par là ?
En fait j’aime tout ce qui est basé sur le côté le plus positif de la vie. Il y a tant de choses horribles qui se passent dans le monde, alors en tant qu’artiste pop, j’essaie de créer quelque chose qui fait sourire les gens. Ce n’est pas pour être ‘super cool’. Oui, j’aime le rose, les paillettes et raconter des contes de fées, comme écrire par exemple des chansons sur les garçons et les filles qui trouvent l’amour… si c’était approprié, peut-être porterai-je une tenue de fée tous les jours !
A propos des histoires dans tes chansons, il y a ce titre, ‘Tomoko’, qui a bien marché. Qui est Tomoko ? Une amie imaginaire ?
Non ! C’est l’une de mes meilleures amies, elle est bien réelle ! Certaines personnes pensent qu’elle pourrait être offensée par cette chanson, mais lorsqu’elle l’a entendue pour la première fois elle m’a dit « oh ! Ca parle de moi n’est-ce pas? Super ! Tu as su parfaitement capter ma personnalité ! » Donc elle l’a vraiment bien pris, elle l’appelle ‘Sa chanson’ !
Ce n’est pas la personne que l’on voit avec toi sur la vidéo ?
Non, mais c’est aussi l’une de mes meilleures amies. Nous sommes toutes les trois de vieilles amies. Mais je n’aurais pas demandé à ‘Tomoko’ de figurer dans le clip pour que les gens pas ‘Ah ! C’est elle !’. Ainsi c’est juste entre elle et moi. Je n’ai pas fais ça pour le raconter à tout le monde, même si elle, elle en a plutôt envie ! J’ai rencontré l’amie qui joue dans le clip lors d’un tournage de film. C’est une actrice Islandaise, comme moi.
Oui, tu es également connue en tant qu’actrice en Islande. Nous ne connaissons pas ton parcours cinématographique en France, peux-tu nous en parler ?
J’ai tourné pour le cinéma et la télévision, mais pas depuis un moment car j’ai décidé de partir faire des études de musique, mais aussi d’ingénieur du son, car j’avais envie d’être de plus en plus indépendante, de ne pas avoir à m’appuyer sur d’autres personnes pour enregistrer mes chansons. La musique reste tout de même un milieu d’hommes, donc c’est bon de pouvoir être indépendante et de pouvoir enregistrer mes chansons telles que je les imaginais. J’ai donc fais 3 films et tourné un peu pour la télé avant ce break, mais je vais retourner jouer dans un nouveau film en Islande en avril, donc j’en fais toujours un peu.
La musique reste ton principal centre d’intérêt ?
Hum, oui, quand même, la musique c’est un peu ma raison de vivre. Ca peut sonner cliché, mais je ne pourrais pas vivre sans. Bien que j’aime jouer la comédie et désire avoir plus d’opportunités dans ce domaine, je ne pourrais jamais décrocher de la musique, ça me donne trop de bonheur. Ce n’est pas une question de célébrité ! C’est plutôt comme le chocolat, les paillettes et toutes les bonnes choses ! Il ne faut pas se priver de ce que l’on aime et de toutes les choses qui nous rendent heureux !
Revenons à ton album. Il y a une chanson en Islandais, ‘Sumri Hallar’, de quoi parle-t-elle, c’est une chanson traditionnelle ?
Oui, c’est une très vieille chanson Islandaise, que j’avais l’habitude de chanter avec ma maman quand j’étais petite. Elle aimait la musique et m’a poussé à apprendre toutes ces chansons traditionnelles qui m’ont beaucoup influencé car ce sont les premières mélodies que j’ai apprises. J’avais envie d’une chanson en islandais sur l’album et j’ai demandé à ma mère qui m’a dit ‘tu adorais chanter celle-ci, alors pourquoi réfléchir, enregistre-la !’. Je me suis dit oui, en effet, c’est une chanson douce qui compte beaucoup pour moi, et ça me rappelle quand je la chantais en voiture avec elle. En plus nous l’avons enregistrée avec cet harmonium d’occasion pour en faire une version plus longue, très ‘internationale’ sous cet aspect. Car évidemment dans la version d’origine il n’y a pas d’instruments, toute repose sur la voix. Le genre de chansons que les fermiers chantaient près de leur clôture, sur combien de moutons ils avaient perdu par exemple ! Mais cette chanson traite de la dureté de l’entrée dans l’hiver islandais à l’époque.
Oui, le titre se traduit par ‘la fin de l’été (summer’s passing)’ ?
Oui ! Je vois que tu as bien fais tes devoirs avant de venir !… C’est un sujet très ancré dans le traditionnel islandais, cette dureté de l’hiver, long et froid. Et puis ça me parle.
Et tu aimerais chanter plus dans ta langue ?
Oui ! J’adore chanter en islandais parce que depuis 15 ans je ne vis plus vraiment en Islande donc c’est bon de retrouver la musique traditionnelle de mon pays, dans ma langue maternelle. J’aimerais d’ailleurs écrire un album pour enfants en islandais ! Ce serait pour moi un bon prétexte pour me replonger dans ces chansons !
D’ailleurs, en parlant de ton pays, y a t il beaucoup de groupes qui chantent aujourd’hui en islandais ?
En général les groupes chantent plutôt en anglais pour l’international, et en islandais pour le marché ‘pop’ local. Les groupes indés chantent plus en anglais car ainsi ils ne se retrouvent pas limités au marché local. Mais nous avons l’exception de Sigur Ros, qui chante une sorte de mélange d’islandais avec leur propre dialecte local ! Il semble que ça marche !
D’ici l’Islande est vue comme un pays très ouvert et créatif d’un point de vue artistique, comment l’expliques-tu ?
Certains disent que cela vient de l’obscurité. Par exemple au milieu de l’hiver il fait nuit jusqu’à 20 heures par jour, donc je pense que c’est sans doute la meilleure façon de ‘survivre’ et de rester heureux tout au long de cet interminable hiver. Et la musique est en particulier est un si beau moyen de te donner du bonheur !
L’industrie du disque islandaise a d’ailleurs récompensé ‘Dirty Paper Cup’ meilleur album pop de l’année, et tu as reçu une nomination pour la vidéo de ‘Tomoko’, félicitations ! Es-tu heureuse de cette reconnaissance ?
Bien sûr ! Ca fait tellement plaisir lorsque les gens de ton pays admirent ton travail, tout comme recevoir des félicitations de ma famille et de mes amis, c’est très important ! J’étais très fière et surtout très heureuse car ce jour-là ma sœur était là pour m’accompagner, c’était vraiment super !
Ton album est sorti en France en novembre dernier, et ton premier concert solo s’est déroulé au Divan Du Monde en décembre à paris, comment cela s’est-il passé ?
Je me demandais en arrivant comment ça allait se passer, car Gus Gus a très bien marché en France et la musique que je fais est tellement différente que je ne pouvais pas m’attendre à ce que les gens me suivent après un tel virage. Mais en entrant sur scène, la salle était pleine à craquer, et il y avait encore des gens qui faisaient la queue dans la rue ! J’étais très surprise. Nous étions en tête d’affiche et j’étais vraiment reconnaissante que les gens qui avaient aimé ce que j’avais fait dans le passé me donnent ma chance avec mes nouvelles compositions. C’a été une excellente soirée, on a finalement joué plus longtemps que prévu tant le public était enthousiaste ! Il y avait tous ces fans avec des T-Shirts de Gus Gus qui souriaient et tapaient dans leurs mains bien que l’on joue du Banjo! Je me suis vraiment sentie la bienvenue. Le public était aussi charmant que lorsque je venais jouer avec Gus Gus. C’est l’une des choses que j’aime en France, les gens viennent au concerts pour la musique, sans rester les bras croisés en pensant ‘ouais, peut mieux faire’… C’est d’autant plus surprenant du fait que ma musique est très calme ! Auparavant les gens venaient pour sauter et danser. Aujourd’hui je reviens avec une formation Folk très calme et le public est resté très attentif, m’a écouté entre les chansons puis acclamé, c’était vraiment super !
Hafdis, merci beaucoup pour avoir répondu à mes questions !
Tu vois, ce n’était pas si difficile ! Je suis contente d’avoir fait ‘la première interview de quelqu’un’ ! Je ne suis pas si effrayante que cela! Si tu vas faire un tour sur ma page My Space, tu te rendras vite compte que je ne le suis pas!
Un grand merci à Hafdis Huld et à ses musiciens, Anna, Christophe et Mélodie.
Pour plus d’infos :
Lire le compte-rendu du concert à la Maroquinerie, le 24/02/2007