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OKKERVIL RIVER – Interview – Montreuil, mercredi 30 mars 2011

Pour Okkervil River les albums se suivent mais ne se ressemblent pas. Après avoir collaboré avec de nombreux artistes depuis trois ans, notamment à l’écriture et à la production, Will Sheff s’est à nouveau concentré sur son groupe pour revenir aujourd’hui avec ‘I Am Very Far’, un nouvel opus qui tranche avec les précédents disques du groupe. Rencontre avec Will Sheff et le bassiste Patrick Pestorius.

OKKERVIL RIVER - Interview - Montreuil, mercredi 30 mars 2011

Après avoir fait beaucoup de collaborations ces dernières années, est-ce que ça a été difficile de revenir à ta propre musique?

Will Sheff : Non, j’ai vraiment été excité de faire tout ça. J’ai adoré travailler sur le disque de Roky Erickson, de Bird Of Youth, de Norah Jones, des New Pornographers… C’était très fun. J’avais le sentiment d’avoir appris beaucoup de choses et je voulais me consacrer à nouveau à Okkervil River pour y appliquer tout ça. Donc ce n’était pas dur du tout, pendant tout ce temps j’avais plein d’idées et j’étais de plus en plus impatient de m’y remettre.

Tu as appelé cet album ‘I Am Very Far’, étais-ce parce que tu voulais faire quelque chose de différent, ou de très éloigné de ce que tu faisais auparavant?

Will Sheff : Non, ce n’est pas une déclaration autobiographique. je ne suis pas en train de dire « Moi, Will Sheff, je suis très loin », et je n’entends d’ailleurs pas loin ici en terme d’accomplissement. C’est plus en relation avec ce qu’il se passe dans le reste disque, en terme de paroles et de musique. C’est difficile à expliquer, c’est plus comme un étrange commentaire sur l’album. Ca n’a donc rien à voir avec moi.

Donc l’album n’est pas autobiographique?

Will Sheff : D’une certaine manière je pense que c’est mon oeuvre la plus autobiographique. mais en l’écoutant et en lisant les paroles ça ne donne pas cette impression car c’est plutôt opaque, les choses n’apparaissent pas d’emblée. Mais pour moi c’est un disque incroyablement personnel, bien plus que les précédents. Ils étaient tous autobiographiques d’une certaine manière, mais celui-ci est plus proche de qui je suis et ce qui m’importe.

Voulais-tu donc revenir vers quelque chose de plus personnel et intimiste, comme pouvait l’être ‘Black Sheep Boy’, en opposition à ‘The Stage Names’ qui était certainement un album plus direct et abordable pour un public plus large?

Will Sheff : Il y a certainement de ça, il y a une envie de faire quelque chose de plus fermé, lourd, complexe, alors que ‘The Stage Names’ a quelque chose de plus aérien.

Et comment s’est passé la composition?

Will Sheff : De beaucoup de manières différentes! Il y a eu beaucoup de chansons écrites dans des hôtels, au milieu de la nuit, ou d’autres en avion, quand tu fais de longs voyages et que tu n’arrives pas à dormir. Il y a toute une partie que j’ai écrite reclus dans la maison de mes grands-parents dans le New Hampshire. C’était beaucoup d’approches et d’émotions différentes.

OKKERVIL RIVER - Interview, Montreuil, mercredi 30 mars 2011La couverture de l’album est assez sombre, avec ses deux chiens, que représentent-ils?

Will Sheff : Je parlais à Will Schaff – pas moi! – c’est le nom de celui qui fait nos pochettes. On a parlé du concept des chiens comme étant les gardiens du disque, comme des Sphinx, il faut passer le portail. C’est un peu ce qu’ils représentent ici.

Will Schaff a dessiné toutes vos pochettes?

Will Sheff : Depuis le tout premier disque, il a fait toutes nos pochettes d’albums.

Et comment viennent les idées ? Tu lui suggères ce qui te plairait ?

Will Sheff : Je lui suggère les choses d’une façon très vague, parce que quand je lui dis ce que je veux exactement ça ne marche pas vraiment. La meilleure manière, c’est lorsque je lui donne les paroles, quand je lui dis à quoi je pensais en écrivant mes chansons. Je vais le voir et je lui joue mes chansons, mais je ne lui dis pas exactement quoi faire, sinon c’est un peu sans intérêt, ça ne donne pas de valeur ajoutée au disque. Quand il interprète tout cela à sa façon, il apporte à l’ensemble son imagination, c’est là que ça devient très important pour moi.

Patrick Pestorius : Et il change de technique à chaque fois, ce qui est très intéressant. Sur ‘The Stands In’ il a fait une sorte de broderie, d’autres fois il a fait des gravures, ici du découpage…

On pourrait effectivement penser qu’à chaque fois les pochettes ont été réalisées par une personne différente.

Will Sheff : Oui, chaque disque est différent, mais c’est toujours la même personne, c’est tout ce qui compte pour moi.

Et quant à l’enregistrement de l’album, j’ai lu que cette fois-ci les sessions ont été plus courtes, mais plus intenses que par le passé?

Will Sheff : Oui, au lieu de s’enfermer longtemps en studio et de devenir fou – on en a eu marre d’enregistrer de cette façon et on a beaucoup fait comme ça dans le passé – on a décidé de faire ces sessions ‘éclair’ où il se passait beaucoup de choses en très peu de temps. Alors on faisait un break, on prenait le temps de réfléchir à ce que l’on venait de faire et à comment le faire la fois suivante, et puis on y retournait et on faisait pareil. Et chaque session avec des règles différentes. Il y a par exemple eu celle avec 2 batteries, 2 basses, 2 pianos, 7 guitares, 12 percussionnistes, une session rock n’ roll très orchestrale…

Ah oui, j’avais lu quelque chose à ce sujet ! Ce n’était pas difficile d’éviter une certaine ‘cacophonie’ en procédant ainsi ?

Will Sheff : Ca a demandé beaucoup de travail pour éviter ça! Si tu isoles les guitares, oui, tu y entendrais sans doute juste une cacophonie, mais on a beaucoup travaillé pour rendre l’ensemble aussi limpide que possible.

Patrick Pestorius :Rien ne peut être trop fort. Tu pourrais penser qu’en enfermant autant de personnes à jouer en même temps dans la même pièce pourrait dépasser les limites sonores de cette pièce. Mais tout le monde jouait sur de petits amplis, et personne ne poussait le son à fond. En fait il aurait été possible de t’entendre parler à travers la pièce pendant l’enregistrement. Enfin, tu aurais peut-être dû crier ! Mais c’était possible.

Will Sheff : C’était une toute petite pièce remplie au maximum avec tous les musiciens et instruments. En fait on en arrive à un point où la pièce elle-même a un effet de compression de par sa taille, et je pense qu’on peut l’entendre sur le disque, l’influence de l’espace sur le son. Mais pour se débarrasser du chaos il nous a quand même fallu jouer les chansons encore et encore, parfois jusqu’à 12 heures d’affilée sur la même chanson jusqu’à ce que nous obtenions le résultat désiré.

Will, tu as aussi produit l’album toi-même, après avoir fait celui de Roky Erickson l’an dernier qui a été nominé pour un Grammy Award, est-ce que ça t’a encouragé à en faire de même pour Okkervil River ?

Will Sheff : Oui, je pense d’ailleurs que c’est pendant que je travaillais sur le disque de Roky Erickson que je me suis dit que je devrais le faire pour moi-même. Et c’était tellement fun à faire ! Je n’ai pas tellement eu à me poser la question, car aucun producteur en particulier ne me venait à l’esprit à par un avec qui j’avais envie de travailler, et je voulais vraiment pouvoir jouer et me faire plaisir avec tout ce matériel !

OKKERVIL RIVER - Interview, Montreuil, mercredi 30 mars 2011J’ai vu une vidéo du groupe jouer en live au Jimmy Fallon’s Late show. Il y avait Carl Newman des New Pornographers et des membres de The Roots. Ont-ils aussi participé à l’enregistrement ?

Will Sheff : Non, ils ne sont pas sur le disque. Mais c’était des retrouvailles très sympas, à chaque fois que l’on se voit on se dit « allez, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? ». Une super équipe ; on a grandi ensemble musicalement, et on comprend comment jouer les uns avec les autres.

Patrick Pestorius :Individuellement tout le monde se fixe des challenges. Là je crois qu’on s’était fixé un challenge collectif, avec le groupe. Chacun voulait faire de son mieux, sans pour autant imposer tel ou tel instrument au sein du groupe.

Et comment se passe la composition au sein du groupe ? Je suppose que c’est toi, Will, qui arrive d’abord avec les bases de tes chansons ?

Will Sheff : Oui, en général j’enregistre d’abord une démo, donc j’ai souvent une idée précise mais elle peut être à la fois très spécifique d’un côté et très générale de l’autre. Par exemple je pourrais dire « Jouez-ça exactement comme ça » ou à l’inverse dire « Oh, tiens, la basse pourrait conduire ce morceau », tu vois ? Et puis tout au long de l’enregistrement il y a le décalage entre les idées et la réalité. On se rend compte qu’une idée qui semble bonne ne fonctionne pas, alors qu’une autre marche mieux. C’est finalement la symbiose de tous ces très bons musiciens qui travaillent ensemble et apportent chacun leur énergie, leurs idées, leur créativité, pour donner projet sa forme, plus cohérente.

Patrick Pestorius : Il y en a qui sont très spécifiques, très techniques, qui vont te dire « Je veux savoir ce qu’il doit se passer sur la troisième mesure du deuxième pont », et d’autres qui vont te dire « Ca devrait sonner comme… un nuage dans le ciel! ». Tu vois, il y a ceux qui marchent au feeling, aux sentiments, et ceux qui ont besoin de précisions, dans la construction du groupe, des morceaux, de la section rythmique, du nombre de boucles, couplets ou refrains joués.

Et est-ce que le départ de Jonathan Meiburg (le chanteur de Shearwater, ndlr) a affecté le groupe d’une certaine manière ?

Will Sheff : Pas vraiment parce qu’après ‘Black Sheep Boy’ j’ai passé beaucoup de temps en tournée et Jonathan aussi avec Shearwater. C’est à ce moment-là que les deux groupes se sont plus ou moins séparés. Jonathan n’avait pas assez de temps pour tourner avec Okkervil River et moi non plus avec Shearwater donc on s’est dit que ce serait mieux ainsi. D’ailleurs Jonathan n’a presque plus joué avec nous depuis, sa dernière tournée avec nous devait être en 2006. Donc je ne peux pas dire que cela ait vraiment affecté le groupe. Cela dit Jonathan et moi sommes toujours très proches, donc je lui envoie parfois des ébauches et il me dit ce qu’il en pense, les forces et les faiblesses des chansons, etc. Et je fais la même chose avec Shearwater…

Patrick Pestorius : Il chante sur l’album…

Will Sheff : Oui, il chante sur ce disque. Il participe toujours un peu à chacun de nos disques, à l’exception de ‘Black Sheep Boy Appendixes’. Il est toujours dans les parages.

Patrick Pestorius : C’est notre arme secrète !

J’en arrive à ma dernière question, corrige-moi si j’ai tort…

Will Sheff : Tu as tort ! (rires)

Il semble que tu aies acquis aujourd’hui une certaine notoriété en tant que songwriter aux Etats-Unis, très demandé par des artistes parfois plus Mainstream, à l’image de Norah Jones. Comment vis-tu cela, venant d’un univers beaucoup plus ‘alternatif’ ?

Will Sheff : J’ai juste envie de me faire plaisir! J’aime faire des choses que je trouve stimulantes, fun et différentes. Pour moi, travailler avec quelqu’un comme Norah Jones est le genre de collaboration que l’on attend beaucoup moins de moi qu’avec un autre artiste Indie Rock, et c’est pour cela que c’est un challenge excitant. En terme de genre musical, elle est très éloignée de mon univers, c’est ce que je trouve attirant dans le fait de travailler avec elle. Alors que les New Pornographers avec qui j’ai travaillé aussi ont une formidable manière de faire de la Pop… Je crois simplement que j’aime travailler en permanence, je ne peux pas m’arrêter et j’ai beaucoup de chance d’avoir l’opportunité de le faire aussi souvent.

Propos recueillis le mercredi 30 mars à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Un grand merci à Will Sheff et Patrick Pestorius d’Okkervil River, Pascaline Pizzghini et Clément Lerebours pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à et toute l’équipe de Differ-Ant.

Pour plus d’infos :

Chroniques:

‘I Am Very Far’ (2011)
‘The Stand Ins’ (2008)
‘The Stage Names’ (2007)
‘Black Sheep Boy’ (2005)

Voir la galerie photo du concert à la Maroquinerie, paris, le lundi 23 mai 2011
La Maroquinerie, Paris, vendredi 8 février 2008 : compte-rendu / galerie photos

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