Date de sortie : 8 mai 2009 / Label : Sire Records / Pays d’origine : Etats-Unis

Cela fait déjà pas mal d’années que nous suivons la carrière de Regina Spektor, après être tombés un jour un peu par hasard sur l’excellente chanson ‘Your Honor’ sur l’album ‘Soviet Kitsch’ sorti en 2003. Mais tout en ayant beaucoup d’affection pour l’artiste, il y avait à chaque fois un petit quelque chose qui nous empêchait de nous plonger complètement dans son univers. Peut-être la difficulté à nous passionner autant sur toute la longueur d’un album, malgré quelques moments d’éclat. Ainsi l’album ‘Begin To Hope’, sorti en 2006, semblait déjà plus lisse, moins ‘underground’ que son prédécesseur et laissait envisager malgré toutes ses qualités une carrière faite de compromis, ce qui eut été bien dommage !

Fort heureusement Regina Spektor revient cette année avec son œuvre la plus aboutie, ‘Far’. Cette fois-ci on ne lui fera pas le procès d’avoir composé un album inégal. De bout en bout, ce disque est une invitation à la détente, avec ses mélodies simples et évidentes, son côté ‘léger’, avec la prédominance du piano, et son aisance à émouvoir par instants. Elle semble aujourd’hui assumer et exploiter au mieux toutes ses influences, de la Pop à la Musique Classique en passant par la Jazz. Et la sauce prend presque à chaque fois. On aborde pourtant l’album avec quelques doutes, en entendant le rythme à contretemps de ‘The Calculation’ qui évoque le Reggae, mais la voix de Regina Spektor remet très vite les choses en places, avant d’entamer un refrain délicieusement Pop et avenant. Tout n’est pas pour autant parfait, ‘Folding Chair’ pousse un peu trop loin le concept de la légèreté et souffre de quelques arrangements superflus. Pourtant, ‘Far’ est également un disque qui lui permet de mettre sa voix en avant comme elle ne l’avait jamais fait auparavant, notamment lorsqu’elle joue avec les aigus, sur ‘Eet’ et ‘Human Of The Year’.

Cet album n’est donc pas fait que de titres enjoués. ‘Eet’, ‘Genius Next Door’, ‘Wallet’, et le magnifique ‘Blue Lips’ illustrent pour leur part la facette plus mélancolique de l’album. C’est d’ailleurs avec le single très posé ‘Laughing With’ qu’elle a dévoilé son nouvel opus, un titre malin sur lequel elle se demande si Dieu a de l’humour… ‘Human Of The Year’ mélange influences Classiques et Gospel. Bref, à l’image d’une Amanda Palmer – en beaucoup plus soft – Regina Spektor pose sa pierre sur l’édifice de la Pop en exploitant pleinement sa culture musicale riche et variée. Et c’est certainement dans ses compositions les plus épurées qu’elle nous séduit le plus, à l’image de ‘Dance Anthem Of The 80’s’ qui est l’un des morceaux les plus réussis du disque, parvenant à nous entraîner dans la danse avec relativement peu d’arrangements.

Pour résumer Regina Spektor reste une artiste appréciée – et critiquée – car il est finalement toujours aussi difficile de lui coller une étiquette précise. Elle allie très bien charme, caractère et talent : audacieuse et pourtant parfois beaucoup plus prévisible et conventionnelle, comme une énième Tori Amos… ‘Far’ n’en reste pas moins sa plus belle réussite à ce jour, l’album de la maturité.