Nourri au Rock et à la Folk des années 70, Beau est un duo New-Yorkais composé d’Heather Golden (chant) et d’Emma Rose Jenney (guitare). Elles ont récemment sorti un premier album intitulé « That Thing Reality » qui fait justement écho à cette époque, tout en gardant le cap vers l’avenir. Nous avons profité de leur passage à Paris dans le cadre du festival Les Femmes s’en Mêlent pour nous faire conter l’histoire de Beau, de leur rencontre sur les bancs d’école à leur signature chez le label Kitsuné, sans oublier ce premier disque particulièrement réussi.
Pouvez-vous me parler un peu de vous, comment-vous êtes-vous rencontrées et quand avez-vous décidé de monter un groupe ensemble ?
Emma Rose : Nous venons de Manhattan et nous sommes amies depuis l’âge de 11 ans. A l’école nous avons appris à jouer de la guitare. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à jouer et à composer presque immédiatement.
Je crois que vous avez grandi dans un environnement artistique, vos parents étaient peintres, étaient-ils intéressé par la musique également ?
Heather : Oui, nos parents sont toujours peintres ! C’est pourquoi nous avons grandi dans un environnement très créatif. Ils acceptaient ce que nous voulions faire, à partir du moment où nous allions à l’école. Ça nous a certainement beaucoup aidées à aller dans la bonne direction.
Je trouve qu’il y a une influence californienne 70’s dans votre musique, avec quels groupes avez-vous grandi ?
Heather : Beaucoup de toutes ces choses-là en effet, des groupes californiens des années 70 ! Joni Mitchell, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Led Zeppelin, Bob Dylan assurément… Vraiment des groupes 70’s.
Emma Rose : Mais aussi plein de hits des années 90 !
Heather : Oui, les tubes, on a grandi avec ça !
Emma Rose : Quand j’allais à l’école je me réveillais tous les jours une heure avant juste pour regarder MTV, dès 6 heures du matin, juste pour écouter tous les hits !
Heather : J’étais obsédée par Avril Lavigne ! Au début en tout cas…
Emma Rose : Nous avons tous nos plaisirs coupables !
Heather : Mais c’est facile d’écouter de la musique tout le temps, tout d’abord parce qu’il y en a toujours à la radio, c’est inévitable. A l’époque on dansait beaucoup aussi. J’ai fait ma toute première représentation à l’âge de 11 ans à l’école… C’était ‘Toxic’, de Britney Spears…
Emma Rose : C’était avant que je la connaisse vraiment !
Heather : Nous étions dans la même école. Ce jour-là je portais un justaucorps et une jupe rose et j’essayais d’être une fille de 11 ans sexy ! J’étais juste bizarre en fait ! Et j’étais blonde aussi ! Je ressemblais à un moustique qui se baladait sur scène, en essayant d’impressionner les gens. Et je ne connaissais que le refrain ! « The taste of your lips, I’m paralyzed… » ! Et sur le reste je ne chantais même pas !
Emma Rose : Et moi je la regardais en me mordant les lèvres et en me disant « oh mon dieu, c’est quoi cette fille ?! »
Heather : Mais comme je le disais nous n’avions encore jamais parlé ensemble, je la connaissais de vue, aussi parce que nous avons grandi dans le même voisinage. Et aujourd’hui encore ce genre de choses m’arrive, parfois j’oublie les paroles et je me mets à chanter ‘Toxic’ ! (rires).
Et vous n’avez même pas repris Britney Spears au concert hier soir !
Heather : Oui, un jour on la reprendra comme il faut !
Vous avez donc sorti ce premier album avec Kitsuné qui est un label plus connu pour ses groupes indés électroniques. Comment s’est faite cette rencontre ?
Emma Rose : C’est arrivé un peu par hasard, mais en même temps je pense que ça devait arriver. Nous étions à Paris, Heather était partie rendre visite à son copain et moi je m’y baladais, Paris c’est un peu ma deuxième maison. Nous y faisions un concert, c’était il y a deux ans et demi, et nous avons rencontré Gildas, le cofondateur de Kitsuné, et nous nous sommes vraiment très bien entendus. Il a écouté quelques chansons et il a aimé.
Heather : Il a organisé une session d’enregistrement un jour à Paris avec un producteur. Il nous a dit « allez-y, vous verrez ce que ça donne ! ». C’était une façon excitante de voir si nous pouvions vraiment faire ça. En tous cas nous étions proches, il était très dévoué envers notre projet. C’était bien parce que parfois dans les maisons de disques les artistes ne rencontrent même pas les patrons, alors que Gildas avait envie de s’impliquer dans le processus créatif.
Et pourquoi avez-vous choisi un nom français pour le groupe ?
Heather : Ce n’était pas vraiment intentionnel mais ça tombait bien parce que nous allons beaucoup en France.
Emma Rose : En Anglais c’est ‘handsome’ ou ‘beautiful’, on aime la signification et simplement la façon dont il sonne.
Heather : Et aux Etats-Unis, particulièrement dans le Sud, il y a beaucoup de filles qui appellent leur copain ‘my beau’. Je crois que c’est quelque chose qui vient de la Nouvelle Orléans, en tout cas ça veut dire petit ami. Quoi qu’il en soit ce nom nous plaît, et il y a toujours un lien étroit entre New York et Paris.
A l’origine le groupe s’appelait ‘The Boos’ ?
Emma Rose : Oui, nous étions The Boos, et nous avons fait un concert à Paris où quelqu’un nous a dit « la bouse ? ». Quand on nous a expliqué que c’était de la bouse de vache, nous nous sommes dit « oh non ! ». Nous ne sommes vraiment pas assez Punk pour avoir un tel nom !!! Donc nous en avons changé.
Votre album a été produit par Alan O’Connell, comment s’est passé l’enregistrement ?
Emma Rose : C’est un type vraiment chouette, je crois qu’il vient d’Irlande?
Heather : Il est Irlandais, mais il vit à Londres. Il a apporté une certaine fraîcheur dont nous avions envie. Nous avons enregistré deux titres avec lui à Nashville pour faire un premier essai, c’était ‘C’mon Please’ et ‘Karma’. Le résultat nous a beaucoup plus donc nous avons décidé d’enregistrer l’album ensemble. Et ensuite tout s’est parfaitement bien passé, une vraie collaboration.
Heather, ta voix a souvent été comparée à celle de Lana Del Rey, c’est une comparaison légitime à ton avis ?
Heather : Je suis très flattée quand on me dit ça, j’adore Lana Del Rey, et c’est vraiment quelqu’un que j’écoute tout le temps.
Emma Rose : C’est marrant, moi je n’y avais jamais pensé auparavant ! Quand nous avons sorti ‘One Wing’ on nous a beaucoup dit ça, particulièrement parce que l’introduction est d’une ambiance plutôt feutrée. Je peux voir d’où vient la comparaison, mais nous avons fait beaucoup de concerts avant et on ne nous avait jamais dit ça. On nous a comparé des fois à Gwen Stefani, c’est super elle est très cool !
Heather : Mais Lana Del Rey est vraiment une personne avec qui j’aimerais travailler.
Vous donnez aussi beaucoup d’importance à l’aspect de vos clips, êtes-vous très impliquées dans ce domaine ?
Heather : Je dirais à 100% ! Il faut l’être, parce que sinon ce serait juste comme si nous étions filmées pour le film de quelqu’un d’autre. Ces vidéos représentent nos chansons, donc nous essayons de donner autant d’informations que possible, sans être pour autant trop intrusives dans le travail du réalisateur. En fin de compte nous aimons travailler avec les gens avec qui nous nous entendons bien et qui sont inspirés par ce que nous faisons.
Visuellement le clip de ‘One Wing’ fait penser aux films de Sofia Coppola.
Heather : Oui, et je pense que le réalisateur serait très flatté d’entendre ça.
Et qui a réalisé ce clip ?
Heather : Les frères Nautico. Ils font d’autres clips et aussi des films ensemble, ils sont installés à Los Angeles. C’est par le biais de notre maison de disques que nous les avons trouvés. Je crois que c’est l’une des expériences les plus cool que nous ayons jamais vécues. Nous avons travaillé vraiment dur sur ce clip… Et eux encore plus !
Et justement de quoi traite cette chanson, ‘One Wing’, d’expériences personnelles ?
Emma Rose : Oui. Pour celle-ci nous nous sommes vraiment assises ensemble pour écrire une sorte de poème.
Heather : Ça parle beaucoup de nous et de notre amitié. Même lorsque nous l’avons écrite, nous nous sommes assurées d’inclure nos peurs, nos espoirs, nos rêves.
Emma Rose : Nous parlons même de Dieu, ce que nous ne faisons vraiment jamais le reste du temps.
Heather : Je ne dis pas ce que je pense de Dieu ou de l’idée de Dieu, on le cite dans la chanson d’une façon qui n’est pas polémique. Et les premières paroles « How do I forgive myself from my own mistakes » (comment me pardonner de mes propres erreurs ? ndlr) forment une introduction très importante pour le reste de la chanson. Il s’agit de pardonner, les autres et soi-même, notamment lorsque tu fais du mal à quelqu’un que tu aimes beaucoup. Je crois que tu ne peux pas être vraiment pardonné avant de t’être pardonné toi-même.
Et l’album entier est-il plutôt personnel ? Essayez-vous de faire passer un message ?
Emma Rose : Beaucoup de ces chansons ont été écrites avant même de penser qu’un album serait enregistré, donc de ce point de vue chaque chanson est très individuelle. Nous ne nous sommes jamais consulté pour construire tout un message. S’il y en avait un je suppose que ce serait sans doute le passage à l’âge adulte, l’amitié et les expériences fortes ou traumatisantes. Nous avons écrit pas mal de choses personnelles à Los Angeles.
Heather : Je crois qu’à peu près chaque chanson a été écrite après avoir vécu quelque chose soi d’incroyable, soi de très triste, vraiment juste après. Tu ne peux pas vraiment continuer si tu n’as pas ce genre de moyen artistique pour t’exprimer.
Hier vous avez joué au Divan du Monde, comment se passe la tournée depuis la sortie de l’album ?
Emma Rose : Bien, vraiment bien ! Nous avons tourné avec Mike Snow aux Etats-Unis, c’était génial. Nous tournons actuellement en Europe puis nous retournons jouer aux US, ensuite qui sait ! En tout cas ça se passe bien, mais les choses sont devenues plus sérieuses qu’avant.
Heather : Nous allons essayer d’en faire autant que possible pendant l’été et de revenir en Europe j’espère. En tout cas nous avons besoin de jouer autant que possible, il faut le faire parce que sinon l’album n’aura pas autant de chances d’être entendu et partagé.
Pendant votre concert au Divan du Monde vous avez repris la chanson ‘Be My baby’. les reprises c’est un exercice que vous appréciez ?
Emma Rose : Non ! En fait nous n’en faisons presque jamais ! C’est la seule exception parce que nous adorons cette chanson.
Heather : Nous n’avions pas vraiment envie de faire beaucoup de reprises parce que c’est difficile de les caler, nous avons déjà tellement de chansons à jouer !
Emma Rose : Oui, nous sommes sans aucun doute plus intéressées par les compositions que par les reprises.
Heather : Oui, mais nous sommes vraiment très douées au karaoké !
Vous aviez l’air vraiment contentes de jouer à Paris hier. Avez-vous une relation particulière avec cette ville ?
Heather & Emma Rose : Absolument, ça ne fait aucun doute !
Emma Rose : C’est la première ville européenne où je suis allée, je crois que pour toi aussi Heather ?
Heather : Oui ! Paris c’était la toute première.
Emma Rose : Donc c’était vraiment important pour nous de jouer ici.
Heather : C’est comme notre deuxième maison. Je n’ai jamais été mal accueillie ici et on il y a une vraie appréciation de la musique que l’on ne trouve pas dans beaucoup d’endroits. Aux États-Unis dans les années 60 tout le monde écoutait de la musique. Il n’y avait rien comme la Pop musique d’aujourd’hui, et j’ai le sentiment que ce qui est mort aux États-Unis à la fin des années 60 est encore vivant ici. Paris est un endroit où il y a vraiment beaucoup d’intérêt pour toutes sortes de musiques, et pas juste le Top 10 à la radio, mais un peu de tout et cette variété est hyper importante. Et puis avec tout ce qui s’est passé récemment c’était vraiment important que les gens soient venus à notre concert hier, à ce festival pour les femmes (Les Femmes s’en Mêlent, ndlr), pour les hommes, pour la musique. Je me suis sentie très fière, pour Paris et pour la musique, c’était vraiment un honneur de jouer ici.
Votre carrière démarre plutôt bien, pensez-vous ou espérez-vous atteindre une plus grande notoriété, de devenir des stars, ou est-ce une chose qui n’a pas d’importance pour vous ?
Emma Rose : On ne sait jamais ! Je ne crois pas que nous attendions de devenir célèbres, ce n’est pas comme si c’était tout ce que nous voulions dans la vie. A partir du moment où nous pouvons continuer à faire de la musique et enregistrer des disques, et surtout jouer dans de gros festivals, c’est un truc que nous adorons, c’est parfait. Plus la foule est grande, meilleur est le show.
Heather : Oui, nous voulons juste que les gens puissent repartir avec un peu de notre musique, qu’ils soient touchés, qu’ils se sentent bien ou qu’ils ne se sentent pas seuls. Et certaines de nos chansons sont assez exaltantes aussi, il y en a sur lesquelles tu peux danser et d’autres pour s’asseoir et pleurer. Nous voulons juste donner ça aux gens parce qu’ils le méritent.
Propos recueillis à Paris le vendredi 1er avril 2016.
Un grand merci à Beau, ainsi qu’à Viviane Brès et toute l’équipe du label Kitsuné pour avoir rendue cette interview possible.
Pour plus d’infos :
Lire la chronique de « That Thing Reality »
Le Divan du Monde, Paris, jeudi 31 mars 2016 : galerie photos
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