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MOURN – Interview – Paris, vendredi 31 juillet 2015

C’était l’un de nos gros coups de cœur de l’an dernier, et pour une fois il s’agissait d’un groupe qui ne venait ni du Royaume-Uni, ni des Etats-Unis. Mourn est un jeune quatuor catalan dont la renommée a dépassé ses frontières en quelques mois seulement, avec une signature sur le label US Captured Tracks. Héritiers de PJ Harvey et de Sleater-Kinney, ces Espagnols semblent bien partis pour conquérir le monde. Entretien avec les 3/4 du groupe suite à un retard d’avion de la chanteuse Jazz (qui arriva à temps pour le concert, ouf!).

MOURN - Interview - Paris, vendredi 31 juillet 2015

Pour faire un peu mieux connaissance avec le groupe, pouvez-vous me parler de vos débuts, quand avez-vous commencé à faire de la musique ?

Carla : Nous avons commencé très jeunes ! J’avais 10 ou 11 ans.

Leia : J’avais 13 ans.

Antonio : Oui j’ai commencé très tôt, à l’âge de 8 ans.

Carla : Et Jazz a commencé à jouer de la batterie à 16 ans puis de la guitare à 17. Donc nous avons tous commencé vraiment très jeunes.

Vous vous êtes rencontrés à l’école ?

Carla : J’ai rencontré Jazz au lycée parce qu’on y étudiait aussi l’art toute les deux. Nous avons commencé à sortir et à jouer ensemble, et après avoir composé une dizaine de chansons nous avons pensé qu’il serait bien de trouver un batteur. Elle connaissait Antonio et savait qu’il jouait très bien de la batterie. Et Leia c’est sa sœur.

Quand le groupe a débuté, est-ce que vous pensiez que tout irait si bien, si vite ?

Antonio : Non, personne ne s’attend à ça. Je ne sais pas, nous avons écrit ces chansons si vite qu’elles étaient vraiment fraîches. Nous ne nous attendions pas à ce qu’elles plaisent à tellement de monde, à une petite échelle d’abord mais c’était chouette. C’est super mais inattendu.

Vous avez d’abord sorti l’album avec le label indépendant espagnol Sones, puis vous avez signé chez les américains de Captured Tracks, comment cela est-il arrivé ?

Carla : C’est arrivé très vite, parce que ça faisait seulement deux ou trois mois que nous avions notre label espagnol. Quand nous avons sorti l’album en Espagne, Sones a envoyé une newsletter à ses contacts, parmi lesquels Mike Sniper de Captured Tracks. Il a vu une vidéo de nous jouant live au studio et il a aimé. Il nous a dit « On veut travailler avec vous ! ».

La plupart de vos chansons sont très directes, elles vont droit à l’essentiel, comment se passe la composition au sein du groupe ?

Carla : ÇaMOURN - Interview - Paris, vendredi 31 juillet 2015 a changé. Quand nous avons écrit les premières chansons c’était juste Jazz et moi, donc maintenant nous écrivons différemment. L’un de nous vient avec une idée et le reste du groupe développe cette idée. Alors qu’avant nous partions d’une chanson déjà prête à laquelle il fallait juste ajouter basse et batterie. Maintenant nous travaillons plus ensemble la structure des chansons. C’est un travail de groupe.

Beaucoup de vos paroles sont très agressives, comme sur ‘Jack’ par exemple (You think you’re awesome/ I say you’re boring / You called me a baby / I just say fuck you…). Mais d’où vient cette colère?

Carla : C’est marrant parce que Jazz a toujours dit que l’on s’ennuie tellement en classe. Donc je pense qu’il y avait cette colère parce que nous commencions à jouer et à apprendre ce que nous voulions, c’était notre manière à nous de dire ‘Fuck you !’. Mais maintenant c’est différent. Nous avons toujours cette rage, de cette colère, mais je pense qu’elle s’exprime d’une façon différente.

J’imagine que votre musique est également influencée par ce que vous écoutez, quelle sont vos groupes préférés ?

Carla : Nous écoutons beaucoup de choses ! Quand nous sommes ensemble et que nous nous disons « allez, on va mettre un peu de musique ! » ce sont plus souvent des musiques de fête. Et on aime aussi les bandes originales de films. Je suis plus dans la musique africaine et électronique, beaucoup de choses… Le son des années 90 évidemment, parce que je viens de là. Je crois que Jazz aime les choses plus agressives, elle aime bien tout ce qui est très sombre. Antonio écoute plus de Rap, de Hip Hop, de l’Indie bien entendu et c’est ce dernier point que nous avons tous en commun : Indie Rock Music !

Sur la photo du groupe qui se trouve dans l’album Jazz porte un T-shirt des Ramones. J’avais récemment lu une étude qui indiquait que 90% des gens qui portent un T-shirt des Ramones n’ont jamais entendu une chanson du groupe, je suppose que ce n’est pas le cas avec vous ?

En chœur : Non, bien entendu !

Bien que vous chantiez en Anglais, vous sentez-vous attachés à votre région et à la langue catalane ?

Carla : Je ne sais pas, je pense que nous écrivons en Anglais parce que nous avons commencé ainsi. Mais on ne sait pas ce qui peut se passer, si nous écrirons une chanson en Catalan ou en Espagnol. En fait nous en avons déjà une en Catalan, mais peut-être un jour… Je ne sais pas ! Il y a le fait que nous parlons ensemble en Catalan, sauf Antonio avec qui nous parlons en Espagnol. Et évidemment dès que nous sortons d’Espagne nous parlons tous Anglais. Mais ça n’a rien de faux d’écrire en Anglais, parce que nous écoutons de la musique en Anglais, des films sous-titrés aussi. Ce n’est pas forcément naturel dans le sens où ce n’est pas notre langue maternelle, mais ça nous convient bien de faire ainsi.

Je voulais aussi vous parler de vos vidéos. Avant l’album vous n’aviez fait que des vidéos live en guise de clip, puis vous en avez fait un vrai avec ‘Your Brain Is Made Of Candy’, pouvez-vous me parler de cette expérience ?

Leia : Au départ nous avions décidé de faire des vidéos live parce que nous jouons toujours ainsi, ça avait un côté plus naturel.

Carla : Et au sujet du clip, il y avait vraiment beaucoup de gens qui travaillaient dessus : le réalisateur, toutes les caméras, tous les gens qui étaient là autour pour aider. Il a été réalisé par l’agence Canada. C’était quelque chose qui nous a demandé beaucoup de travail, mais c’était une bonne expérience. Nous ne nous serions jamais attendus à faire un clip avec tous ces arrangements, que ça puisse arriver un jour. Pour le nouveau single, ‘Gertrudis’, c’était plus facile par ce que nous jouions dans une cave et c’était plus naturel pour nous. Plus « vrai », un clip en noir et blanc avec le groupe qui joue live.

En parlant de jouer live, pouvez-vous me dire comment s’est passé l’enregistrement de l’album ?

Carla : Nous l’avons enregistré en deux jours puis nous sommes juste revenus pour réenregistrer les voix. Nous avons joué tout le reste en même temps. C’était si facile, si rapide. Je crois que nous avons enregistré 8 chansons en un jour, puis la seconde journée il y avait juste Jazz et moi pour enregistrer les voix, et puis voilà ! Je crois qu’au début nous voulions l’enregistrer live et rapidement surtout à cause de l’argent, mais c’était en même temps la manière dont nous voulions sonner, donc nous avons aussi décidé de garder les choses ainsi.

MOURN - Interview - Paris, vendredi 31 juillet 2015

 

On entend pas mal parler de vous à l’étranger en ce moment, même si la France n’est sans doute pas le meilleur exemple, qu’en est-il de l’Espagne, êtes-vous connus là-bas ?

Carla : Les gens nous connaissent, mais pas comme des stars.

Leia : Certainement plus en Catalogne.

Carla : C’est aussi parce que nous n’avons pas vraiment fait de tournée en Espagne, nous avons joué à Barcelone et autour, nous sommes aussi allés à Madrid et Séville. Mais si par exemple nous faisions un concert à Barcelone maintenant, ce ne serait pas vide, mais certainement pas plein non plus. Hors d’Espagne c’est un peu différent.

Antonio : Nous ne sommes pas un très gros groupe, nulle part en fait. Il y a des groupes en Espagne très, très connus, qui peuvent remplir des stades, mais seulement là-bas. Dans notre cas nous jouons pour un public relativement restreint mais partout ! Nous jouons partout mais nous ne sommes énormes nulle part !

Maintenant vous participez à des festivals un peu partout dans le monde, est-ce que vous vous habituez bien à voyager ?

Antonio : Je suis encore en plein décalage horaire avec les Etats-Unis… Il va falloir qu’on s’y habitue, c’est toujours un combat, mais c’est fun !

Carla : C’est fun parce que c’est quelque chose que nous n’avons jamais fait avant. Ça peut avoir un côté cool et intéressant mais c’est aussi épuisant. Parfois je me dis « je veux rentrer à la maison ». J’aime jouer mais je n’aime pas passer tout ce temps à attendre, parfois pendant 6 ou 7 heures, c’est fou ! Tous les groupes pensent que c’est ce qu’il y a de mieux, et ça l’est, mais parfois on n’en peut plus.

Antonio : Nous aimons voyager pour aller jouer devant les gens…

Carla :… mais il y a tout ce chemin à faire pour y aller ! J’ai dû me lever vers 5 heures ce matin, alors tu peux imaginer à quel point ça peut parfois nous fatiguer.

Je suppose que la plupart d’entre vous n’a pas encore fini ses études, est-ce difficile de faire cohabiter les deux ?

Carla et Antonio : Oui, ça l’est !

Carla : Antonio a commencé l’université puis a arrêté. J’ai commencé des études de photographie, puis j’ai arrêté. Leia termine le lycée. Carla : Il faut parvenir à dédier plus de temps aux études. Parfois je me dis « oh, j’ai ces devoirs, mais j’ai aussi ça à faire avec le groupe » et tu ne trouves pas le temps de faire les deux. Je préfère jouer de la musique plutôt qu’étudier, c’est vraiment difficile, Leia est courageuse !

Au-delà des études, je suppose qu’avoir ce succès soudain vous a obligé à faire d’autres sacrifices, financiers peut-être ?

Antonio : Oui, l’argent et les amis. Surtout ceux que tu ne vois pas beaucoup, une fois que tu te dédies à la musique tu ne les vois plus du tout. Il faut accepter ces changements et faire abstraction du reste.

Et comment vos parents réagissent à tout cela, vous apportent-ils leur soutien ?

Leia : Notre père à Jazz et moi est musicien donc il nous a encouragées.

Carla : Mais c’est vrai que parfois à la maison les miens me disent « je ne suis pas sûr de ce que tu fais… » Tout simplement parce qu’ils ne vivent pas dans ce monde-là.

Antonio : Un parent qui ne fait pas de musique ne va pas te dire, « allez vas-y, fais de la musique ! ». Mais s’ils voient que tu y travailles, et que tu y parviens comme nous le faisons en ce moment je pense qu’ils t’apportent alors leur confiance et te disent qu’ils sont heureux pour toi.

Une fois vos études terminées, quels sont vos projets ? Comptez-vous vous dédier totalement à une carrière musicale ?

Carla : Je crois que c’est déjà ce que nous sommes en train de faire ! C’est sûr que c’est bien de faire ça le weekend ou à des moments dédiés, parce que quand on est tout le temps en tournée, pendant des mois, je ne peux même pas imaginer à quel point c’est dur.

Antonio : Si nous parvenons à terminer nos études je pense que nous allons continuer à jouer chez nous en semaine et se mettre d’accord sur quand nous allons tourner. Il va falloir s’organiser ainsi. Carla : Je pense que c’est plus sain, et puis on peut se fatiguer rapidement de tout ça, de la musique, des groupes, un jour tu exploses. Donc si tu planifies mieux ce que tu fais je pense que tu y prends aussi plus de plaisir. Par exemple nous n’avons joué qu’une seule fois en Angleterre et j’aimerais beaucoup y retourner. En France aussi, nous sommes ravis de venir !

Propos recueillis à Paris le vendredi 31 juillet 2015.

Un grand merci à Mourn, à Manuel Figueres et Maxime Lecerf pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à Differant et La Route Du Rock Booking. Crédits photos 1 & 3 : Berta Pfirsich.

Lire la chronique de ‘Mourn’ (2014/2015)

Galerie photos du concert au Trabendo, le 31 juillet 2015

Pour plus d’infos :

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