9 minutes montre en main! C’est le court laps de temps qui nous aura été accordé pour nous entretenir avec Chairlift lors de leur passage en concert à Paris. Cela fait partie des aléas de la promo, mais nous avons tâché d’exploiter au mieux ces quelques minutes pour que Caroline Polachek et Patrick Wimberly nous parlent de ‘Something’, cet album avec lequel ils démontrent qu’ils sont bien plus qu’un simple ‘groupe à tubes’.
Pouvez-vous me dire comment s’est passée la composition de ce nouvel album, vous avez pris votre temps, n’est-ce pas ?
Caroline : oui, sans aucun doute…
Patrick : On s’est installé dans une pièce à l’arrière d’un magasin d’antiquités à Brooklyn. Il y avait une petite table de mixage, un clavier, une batterie, juste une petite fenêtre, et nous y sommes allés tous les jours pendant 6 ou 7 mois. C’est là que le disque a été écrit en grande partie.
Cet album est assez différent du précédent, plus rythmé, énergique, accrocheur… c’était quelque chose que vous recherchiez ?
Caroline : Oui, certainement. Pendant la tournée du 1er album qui a duré un an et demi on s’est rendu compte que les chansons que l’on aimait jouer le plus étaient les plus agressives. On ajoutait même des parties à d’autres chansons pour leur donner plus d’énergie. Dès qu’on est rentré après cette tournée, on savait qu’on voulait continuer dans cet esprit. On voulait un album qui ait les dents plus longues, qui soit plus ‘incandescent’.
Pensez-vous avoir évolué musicalement depuis l’album précédent ?
Patrick : Oui, notre manière de penser à la composition et à l’écriture est en constante évolution. C’était bien pour nous de passer beaucoup de temps sur ce disque, parce que nous sommes passés par différentes phases pour chaque chanson, et c’est le meilleur qui subsiste. Tu sais, souvent tu trouves un air, et deux semaines plus tard tu es passé à autre chose.
Caroline : En même temps on peut réutiliser ce genre de découvertes en les adaptant avec des sons de synthés par exemple sur de nouvelles chansons. On expérimente beaucoup en fait.
L’album a été produit par Dan Carey, pouvez-vous me parler de votre travail ensemble, comment vous êtes-vous rencontrés ?
Patrick : On l’a rencontré à Londres après avoir fini d’écrire l’album. On est tombé amoureux de lui dès que l’on a mis les pieds dans son studio. On a immédiatement su que c’était avec lui que l’on voulait faire ce disque. Quelque chose se dégageait de cet endroit, mais on aimait aussi ses idées, sa famille…
Caroline : Son énergie a été déterminante, mais aussi son éthique. Il ne voulait pas faire quelque chose de trop ‘précieux’, il croyait fermement qu’il fallait créer des sonorités très ‘physiques’, d’avoir des textures intéressantes par tous les moyens possibles, très peu conventionnels parfois. C’est comme un enfant, il adore jouer. L’avoir avec nous était une vraie source d’inspiration.
Et au sujet du single, dont je ne vais pas arriver à prononcer le nom correctement…
Caroline : Ah si tu dois !
Patrick : On ne répondra pas à ta question tant que tu ne l’auras pas dit correctement !
Peut-être en le chantant…
Tous les deux : Ah oui, chante-le !
‘Amanaemonesia’…(imaginez-moi en train de chanter, ndlr)
Tous les deux : yeah !!!
… Alors, qu’est-ce que ça veut dire ?
Caroline : ‘Amanaemonesia’ n’a pas de signification exacte. C’est plus une chanson sur un sentiment. On voulait qu’elle sonne commerciale comme une musique de publicité, mais une pub pour rien. Rien qui existe. Il s’agit juste d’avoir le sentiment d’entendre une pub. Et on voulait que ça se passe comme dans un rêve, comme si tu étais en train de rêver de cette publicité. Ca suit la logique d’un songe, de ses personnages, de nos psychoses aussi.
Et pouvez-vous me parler du clip que vous avez fait pour cette chanson où, Caroline, tu as l’air très… souple !
Caroline : Ahah, merci ! Je suis devenue souple pour cette vidéo ! Mon idée initiale pour ce clip était de faire une série de signes de la main qui correspondent aux paroles de la chanson afin que je puisse en quelque sorte les ‘enseigner’, comme on le ferait pour des enfants. Mais ensuite mon père m’a montré la vidéo d’un ballet qui a complètement changé ma façon de voir la danse, parce que dans la passé la danse m’ennuyait beaucoup, ça ne m’intéressait pas du tout. J’aime danser en boîte, ou dans ma chambre, mais je n’ai jamais envisagé de « vraiment » danser. Mais bon, quand j’ai vu ce spectacle de la fin des années 60 je crois par le chorégraphe français Maurice Béjart, ça m’a incitée à prendre des cours de ballet dès le lendemain. Ca n’était pas du tout dans le but de devenir ballerine, je voulais que ce soit formel, des mouvements presque ‘hiéroglyphiques’.
Ca a dû être très difficile, quand on voit le résultat ici, c’est beaucoup de travail.
Caroline : Je n’avais jamais fait de chorégraphie de ma vie, donc ça m’a vraiment pris beaucoup de temps. J’avais calé mon IPhone sur un trépied et filmé mes expérimentations face à un miroir pendant des heures. J’emmenais tout ça à la maison, je regardais le résultat, puis je collais les pièces ensemble et ça a finalement pris forme ainsi.
Peut-on s’attendre à quelque chose de similaire sur scène, est-ce que vous êtes du genre à danser, ou plutôt à rester derrière vos instruments ?
Caroline : On reste derrière nos instruments. J’aime danser parfois, mais je pense en tout cas que cette danse précise appartient à la vidéo et non à la scène. (A la vue du concert, on peut tout de même vous dire que Caroline Polachek danse beaucoup ! ndlr).
Comment vous êtes-vous sentis quand Aaron Pfenning a quitté le groupe, ç’a été difficile de recommencer à deux ?
Caroline : On en parlait depuis longtemps donc ça n’a pas été une surprise. Je pense que c’était la meilleure chose à faire pour tout le monde. On voulait essayer quelque chose de complètement différent sur cet album, notamment écrire dans un pièce tous les deux, l’un en face de l’autre, alors qu’avant j’ai toujours composé de manière très secrète. J’ai écrit les chansons du premier album dans mon appartement toute seule, je les terminais avant de les dévoiler aux autres membres, alors que sur cet album c’était une collaboration très intense. On discutait de chaque idée, on avait une palette de choses que l’on peaufinait ensemble, que ce soit la basse, la batterie, les claviers et même les voix. Je pense que le fait d’être deux a facilité les choses.
‘Something’ est aussi le premier album que vous ayez fait en étant signés à une Major, Columbia, est-ce que ça a changé quelque chose pour vous. Vous avez eu plus de pression, ou moins de liberté ?
Patrick : Il n’y a jamais eu moins de liberté, au contraire je dirais qu’on en avait plus parce que nous avons été capables de passer plus de temps sur le disque et d’essayer plus de choses.
Caroline : Par contre il y avait sans aucun doute plus de pression, pas seulement à cause du label mais plutôt parce que nous avions passé beaucoup de temps en tournée et nous savions ce que c’était de jouer devant un public. Cela, ajouté au fait que nous nous retrouvions avec un label en mesure d’exposer notre musique à beaucoup de monde, nous a fait beaucoup réfléchir au contexte social, alors que pour le premier album nous pensions que personne n’entendrait notre musique, donc la question ne se posait pas. Soudainement on s’est mis à penser à des choses telles que : Où les gens écoutent-ils notre musique? Que voulons-nous leur communiquer? Qu’est-ce que ça veut dire, s’adresser à un public?
Oui, il y avait plus d’attente.
Caroline : Oui, parce que nous ne sommes pas un groupe de Dance, ni un groupe festif. Pas de musique ambiante non plus… On est quelque part entre les deux, entre Folk, cinéma et expérimental, mais on fait aussi des Pop songs. Ca nous a vraiment poussés à nous demander où se trouve notre musique.
Y-a-t-il une histoire derrière la chanson ‘Sidewalk Safari’, parce que c’est un morceau où tu parles de rouler sur les gans avec ta voiture pour le plaisir?
Caroline : Aha, non, juste une personne. Il s’agit de chasser une seule personne, par vengeance!
Pour finir, j’aimerais bien vous demander pourquoi vous avez simplement appelé cet album « Something », est-ce parce que disque, c’est justement ‘quelque chose’ pour vous?
Tous les deux, en choeur : Oui! Exactement!
Propos recueillis à Paris le mercredi 29 février 2012.
Un grand merci à Chairlift, ainsi qu’à Marina Seuve et toute l’équipe de Phunk pour avoir rendue cette interview possible.
Pour plus d’infos :
Lire la chronique de ‘Something’
Voir la galerie photos du concert à la Maroquinerie, Paris, le 29 février 2012
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