Quand un artiste sort son premier album, on se demande souvent comment le disque va passer le cap du live, mais pour Natalie Findlay, c’est tout à fait l’inverse. Du haut de ses 25 ans, cela fait des années qu’elle arpente les scènes à travers l’Europe et s’est taillée une réputation de bête de scène. Avec ses prestations endiablées, certaines de ses chansons sont déjà des tubes (« Greasy Love » et « Off & On ») mais elle avait tellement plus à nous offrir que l’attente de le sortie de « Forgotten Pleasures » fut probablement aussi insoutenable pour elle que pour nous.
Tu n’es pas vraiment une nouvelle venue puisque tu joues depuis plusieurs années maintenant, mais peux-tu me parler de tes origines, d’où viens-tu et quand as-tu commencé à faire de la musique ?
Findlay : J’ai grandi à Stockport dans le Nord de l’Angleterre. J’ai commencé à écrire des chansons et à chanter vers l’âge de 15 ans et j’ai signé mon premier contrat avec Universal à 17 ans. Ce fut une drôle d’expérience… Ils ne m’aimaient pas et je ne les aimais pas non plus, c’était donc une expérience très étrange de mettre un premier pied dans l’industrie de la musique de cette façon, avec une Major. Après avoir été virée j’ai voulu arrêter, mais c’est là, il y a environ trois ans que j’ai commencé à écrire avec mon groupe, et Jules Apollinaire plus particulièrement. C’est ce qui a ravivé ma flamme, ma créativité, nous avons écrit beaucoup de titres ensemble et ce qui allait devenir la colonne vertébrale de « Forgotten Pleasures ». Après ça j’ai sorti un EP en Europe, à la suite duquel mon nouveau label, BMG, m’a dit « OK, nous allons sortir l’album ! ». Nous avons fait ce disque comme j’avais envie de le faire, avec les producteurs que je voulais; j’ai laissé un ami faire la pochette, et nous avons fait les clips nous-mêmes. Nous avons donc pu garder une certaine proximité sans que BMG ne contrôle quoi que ce soit, ils ont été vraiment cool, ils m’ont laissé faire ce que je voulais.
Aujourd’hui la marque de fabrique de ta musique, c’est un peu le fait qu’il n’y en ait pas, puisque tu mélanges Rock Pop, Hip Hop, Soul… As-tu grandi en écoutant des artistes et des genres très variés ?
Findlay : Oui, mon père écoutait beaucoup de Blues et des choses comme Captain Beefheart, Howlin’ Wolves, alors que ma mère aimait plutôt Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Louis Armstrong. Donc j’ai grandi avec une éducation Blues et Jazz classique. Puis lorsque j’ai commencé à être plus indépendante je me suis mise à Lou Reed, au Velvet Underground, Regina Spektor puis j’ai peu à peu évolué vers une musique plus moderne et maintenant je peux écouter Kanye West à un moment, puis Elvis Presley la minute suivante. Nous vivons une époque où l’accès à la musique est devenu tellement facile, il n’y a plus vraiment de barrière entre l’auditeur et l’artiste. Tu peux enregistrer une chanson sur ton iPhone et la balancer directement sur Facebook si tu en as envie, tu as un lien direct avec ton public. Et tout ça brise une peu les stéréotypes. Par exemple dans les années 90 tu avais des clans, les Mods, les Rockeurs, les Grunge… Tu écoutais ton style de musique et tu avais ta communauté composée de gens qui écoutaient exactement la même chose, et tout le monde s’habillait pareil.
Et comment décrirais-tu ta musique aujourd’hui ?
Findlay : Je pense que ma musique reflète la façon dont je la consomme. J’écoute beaucoup de R’n’B et de Hip Hop, de Rock, de musique psychédélique, de Trap Music… Quand j’écris, et quand je produis, je peux aller puiser dans toutes ces influences. Sur mes deux premiers EPs j’étais toujours dans un état d’esprit Rock, tout devait avoir une guitare. Mais regarde ce que font des groupes comme Tame Impala avec les synthés par exemple, ils ont aussi toujours des guitares aussi. J’aime aussi beaucoup Mitski qui utilise des rythmes de Trap Music. Il y a tellement de possibilités, donc pourquoi pas ? Il ne faut pas se renfermer dans une boîte.
Pourquoi ton album a-t-il pris un temps fou avant de sortir, alors qu’il était apparemment prêt depuis longtemps?
Findlay : Je crois qu’on a enregistré assez de musique pour faire 5 albums, mais finalement je n’en sors qu’un ! Avant de signer chez BMG j’ai fait le tour de nombreux labels avec mes chansons en poche, et tout le monde me répondait « Non, on n’aime pas » ou « ça fait trop longtemps que tu tournes, pourquoi fais-tu les choses ainsi, on n’arrive pas à te caler dans un genre musical, comment veux-tu qu’on puisse promouvoir ça ? »… On m’a dit NON ! tellement de fois… Tu peux toujours faire beaucoup de choses par toi-même, mais il faut de l’argent pour les concerts, le disque, et j’avais une vision plus large que de me cantonner à ça. J’avais besoin d’une équipe pour me soutenir et aujourd’hui j’ai enfin « the Dream Team » ! Ça m’a pris 5 ans mais maintenant je suis confiante, je n’ai pas peur.
Et de quoi parle le titre de ton album, « Forgotten Pleasures » ?
Findlay : C’est le titre d’une des chansons qui parle de regarder en arrière, vers une période de ma vie plus sauvage et naïve, toutes les mauvaises choses que j’ai pu faire, les jeux auxquels j’ai joué en essayant d’être quelqu’un que je ne suis pas pour impressionner les gens, pour être cool. Je vois ça et je me dis que j’ai oublié ce que c’était de rester éveillée pendant trois jours à prendre des drogues et à coucher avec plein de garçons. Ce n’est plus moi aujourd’hui mais quand j’y repense je me dis que c’était le bon temps ! Ce sont les « plaisirs oubliés » ! Il y a plusieurs chansons sur l’album qui ont 4 ou 5 ans que j’ai écrites à cette époque de ma vie où j’étais un peu folle. Maintenant je suis dans un état d’esprit un peu plus stable, et ces quelques chansons représentent pour moi ce voyage, donc « Forgotten Pleasures » semblait être le lien parfait entre elles.
Etant donné que plusieurs des chansons de l’album sont assez vieilles, et que tu les as beaucoup jouées, as-tu considéré de ne pas les mettre sur l’album ?
Findlay : Oui, mais le label a dit non. Il y a un tas d’autres chansons que j’aurais pu mettre mais beaucoup ne sortiront jamais j’imagine. Ou peut-être sur le prochain album, j’aimerais pouvoir le sortir assez rapidement, on verra !
Juste avant de sortir l’album, tu as dévoilé le single « Waste My Time », de quoi parle-t-il ?
Findlay : Je parle de l’époque où j’étais célibataire et j’allais à plein de rancarts. Ma vie était un échec romantique. J’habitais à Londres et c’était vraiment difficile de rencontrer des gens authentiques, et pas nécessairement d’un point de vue amoureux. Tu te rends compte combien il est dur de juste pouvoir se faire des amis quand tu t’installes à Londres. Donc cette chanson parle de moi, de cette vie-là à faire des rencontres et de me débarrasser de sales types, d’essayer de ne pas perdre mon temps avec des imbéciles. C’est de cela dont ça parle, ce moment où tu veux rencontrer quelqu’un de gentil… quand tout le monde est amoureux !
Tu as également écrit « St Elmo’s Fire » avec Carl Barât, comment vous êtes-vous rencontrés ?
Findlay : Par l’intermédiaire de Jake Gosling qui a produit mon album et avec qui nous avons tous les deux travaillé. Il venait de produire le dernier disque des Libertines et il m’a alors suggéré de rencontrer Carl et de collaborer avec lui, parce qu’il était très fan des disques des Libertines, c’était l’un de ses groupes préférés. J’étais motivée pour faire une chanson avec lui, donc nous avons traîné un peu ensemble dans le studio de Jake, on s’est saoulé, on a écrit cette chanson, c’était fun !
Peux-tu me parler du producteur de ton album ?
Findlay : Le principal producteur, c’est Jules, il fait partie du groupe et c’est aussi mon copain. C’est un super musicien et un super producteur, nous avons aussi écrit pas mal de titres ensemble, chez nous, et les avons produits en même temps. Quand j’ai voulu faire un enregistrement plus propre il a loué un studio et nous avons passé deux semaines à enregistrer avec le groupe. C’est en quelque sorte mon âme sœur musicale, il est bourré de talent et nous faisons beaucoup de choses ensemble.
Et tu as réenregistré tes vieilles chansons ?
Findlay : Certains éléments comme les parties de batterie ont été refaites en studio. Sinon nous avons un studio à la maison. Les prises pour le chant ont été faites dans notre appartement un dimanche matin. Il s’agit en fait de la démo, j’étais allongée sur mon canapé et je criais dans le pire micro du monde. Ensuite nous avons essayé de refaire les voix en studio avec du matériel bien plus cher, sans parvenir à faire aussi bien qu’avec ce micro pourri, donc nous avons gardé la prise originale.
Pour tes fans ce disque a déjà des allures de Best Of avec tous les titres que tu joues sur scène depuis plusieurs années !
Findlay : Non, j’ai plutôt l’impression de commencer seulement ! Mais j’aimerais que le second album arrive rapidement parce que je ne veux pas encore attendre aussi longtemps.
J’ai eu le plaisir de te voir jouer plusieurs fois en concert et tes shows sont plutôt endiablés ! Quel est ton aspect préféré de la scène ?
Findlay : C’est vraiment fun d’être en tournée et de pouvoir jouer tous les soirs avec tes amis.
En fait la dernière fois que je t’aie vue c’était à midi, pour un concert à la Défense au festival Chorus.
Findlay : Ah oui c’était vraiment très bizarre, ces gens en costumes avec leur sandwich ! Et puis je n’aime pas jouer en journée, ça ne va pas, il faut qu’il fasse noir. En tout cas cette année nous allons jouer à South By South West, c’est la première fois que je vais jouer aux Etats-Unis et je suis hyper excitée ! C’est vraiment ce que j’attends le plus en ce moment.
Dans le passé tu as fait les premières parties d’artistes renommés au Royaume-Uni, comme Bloc Party, Miles Kane, The Courtneeners, est-ce plus effrayant de jouer devant une grosse foule ?
Findlay : Non, en fait j’ai plus peur quand je joue dans une petite salle. Par exemple la semaine dernière nous avons joué dans un bar Jazz, il y avait environ 50 personnes et j’étais bien plus effrayée que s’il y en avait eu 5000, parce que tu peux voir leurs visages, en train de te juger !
Et aurons-nous le plaisir de te voir jouer en France bientôt ?
Findlay : Oui, nous serons le 24 avril à la Maroquinerie à Paris !
Propos recueillis à Paris le mercredi 1er février 2017.
Un grand merci à Findlay, ainsi qu’à Mélissa Phulpin pour avoir rendue cette interview possible.
Pour plus d’infos :
Lire la chronique de « Forgotten Pleasures » (2017)
Festival Chorus – La Défense – Courbevoie, lundi 1er avril 2016 : galerie photos
La Flèche d’Or – Paris, mercredi 16 décembre 2015 : galerie photos
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