C’est au beau milieu d’une Europe paralysée par le fameux nuage volcanique que Jennie Abrahamson s’est tant bien que mal rendue à Paris après deux jours de périple en train pour nous présenter son nouvel album ‘While The Sun’s Still Up and The Sky Is Bright’ lors d’un intime showcase chez Gals Rock. Encore une artiste qui fait honneur à bouillonnante scène Suédoise. Un conseil : ne la ratez pas!
Bonjour Jennie, il faut d’abord que je te pose cette question, comment s’est passé ton voyage?
Jennie Abrahamson : J’ai pris plusieurs trains et finalement ç’a s’est bien passé. Mais c’était un long voyage, de Stockholm à Malmoe, de Malmoe à Copenhague, puis de Copenhague à Cologne, et enfin jusqu’à Paris! Je crois que la partie la plus difficile a été le train de nuit entre Copenhague et Cologne, pace qu’il y avait beaucoup de monde, on était serrés… 13 heures de train…
Ton nouvel album sort tout juste en France, mais peux-tu te présenter rapidement, me parler des tes débuts?
Jennie Abrahamson : Je viens du ‘grand’ Nord de la Suède, à 650 km au Nord de Stockholm. Ma famille aimait la musique, j’ai fait du piano classique à partir de l’âge de 5 ans. J’en ai fait pendant longtemps, j’avais 20 ans quand j’ai arrêté. Mais dès 13 ans j’ai commencé à jouer dans des groupes, et je me suis finalement retrouvée dans un groupe qui a signé chez EMI, donc j’ai passé quelques années au sein du business des Majors… On a enregistré deux albums, puis je suis partie à Stockholm où j’ai commencé à jouer avec des groupe de Country alternatif. Je n’étais pas la chanteuse, je jouais de la guitare et du piano et c’est comme ça que j’ai trouvé du travail, en musicienne ‘free lance’, car des gens se sont aperçus que je pouvais jouer de plusieurs instruments. J’ai fait ça pendant quelques années, j’ai fait des tournées en Europe et en Asie pour d’autres artistes, puis j’ai décidé de me concentrer sur mon propre projet. J’ai sorti mon 1er album solo, ‘Lights’, en 2007. Mais il n’est sorti qu’en Suède, Danemark, Finlande et Norvège.
Tu as monté ton propre label, était-ce quelque chose de difficile à mettre en place et à gérer?
Jennie Abrahamson : Ca l’était au début, et ça l’est toujours de temps en temps. Mais c’était quelque chose de nécessaire, parce que quand j’ai sorti mon 1er album, j’étais prisonnière de mes contrats avec les Majors. Je devais d’abord le sortir avec EMI Danemark, on a passé 6 mois à tout mettre en place, et quand on a terminé, tout le monde s’est fait virer, il n’y avait plus personne ! J’ai dû repartir à zéro, j’étais sur le point de signer un contrat avec Sony en Suède, mais ils ont fusionné avec BMG et c’est à nouveau devenu incertain. Alors je leur ai dit ‘donnez-moi juste une licence de distribution’. Le disque a donc été distribué par Sony, mais j’ai vu comment se passaient les choses, le business avec les Majors du disque et je ne voulais plus retourner à ça. C’a été dur d’apprendre à tout faire par moi-même, mais si j’avais vraiment trouvé ça ennuyeux je ne l’aurais pas fait, la seule chose vraiment frustrante c’est que ça me prend du temps, et ne me permet pas d’écrire et de composer autant que je le souhaiterais alors que c’est ce que j’aime le plus.
Pour écrire ce nouveau disque tu es partie t’installer quelques temps à New York, penses-tu aussi que c’était quelque chose de nécessaire?
Jennie Abrahamson : En fait une grande partie de l’album a été écrite chez moi, au Nord de la Suède, quand je suis rentrée de New York. Mais j’avais certainement besoin d’une pause, j’étais très fatiguée d’avoir trop travaillé et j’avais besoin de partir dans un endroit où personne ne me connaissait. J’y ai donc passé trois mois seule. Cependant New York est une ville de passage, donc j’avais régulièrement l’occasion d’y rencontrer des connaissances. J’y ai collecté quelques idées mais je n’ai pas tellement écrit là-bas.
J’ai l’impression que pas mal d’artistes Suédois partent s’installer à New York : Anna Ternheim, A Camp… Tu les connais? Vous faites des fêtes entre Suédois là-bas?
Jennie Abrahamson : Non! Même si j’en ai croisé certains à l’occasion. Je crois que c’est surtout la distance qui joue dans le choix d’aller là-bas. Par exemple Berlin qui est une ville où vont les artistes Suédois pour écrire et s’inspirer mais qui est si près de Stockholm, alors que New York, tout en étant loin, a les avantages de l’Amérique mais reste une ville à l’esprit plutôt Européen. On finit forcément par y croiser des connaissances directes ou indirectes, mais on peut aussi y rester très anonyme.
Alors parlons du nouvel album maintenant! Pourquoi as-tu choisi ce long titre ‘While The Sun’s Still Up and The Sky Is Bright’?
Jennie Abrahamson : Je pense que c’est lié à l’une des chansons que j’ai écrite, et celle-ci à New York justement : ‘Leaving New York’, la veille de mon départ. Je ne voulais pas appeler le disque ‘Leaving New York’, mais je pense que »While The Sun’s Still Up and The Sky Is Bright’ (‘Tant que le soleil brille et le ciel est bleu’, ndlr) est une bonne métaphore. Le disque parle beaucoup d’une période de ma vie et de celle de mes amis, où nous sommes encore jeunes, prenons des risques, n’avons pas encore d’enfants et vivons dans de petits appartements; quand on gagne encore peu d’argent mais que l’on est heureux. Donc en gros je veux dire : le soleil brille, le ciel est bleu, profitons-en maintenant!
Peux-tu me parler un peu du titre ‘Sister Teresa’? Il semble que tu aies voulu lui donner un caractère oriental? C’est un peu le cas sur ‘Look Down Our Road’ également.
Jennie Abrahamson : Oui, mais en fait je ne sais pas vraiment d’où ça vient! Peut-être parce que je traversais Chinatown tous les jours! Pour ‘Sister Teresa’, j’avais écrit les paroles dans l’avion, et je crois que c’est la première fois que j’écrivais des paroles avant la musique. En général je fais les deux en même temps. Mais cette influence ne m’a pas tellement marquée avant que je ne rentre chez moi et que je ne joue le titres à une amie qui m’a dit ‘On dirait que tu es allée en Chine, pas à New York!’
Je pense que c’est l’instrument utilisé sur ce morceau…
Jennie Abrahamson : C’est un guzheng (la ‘cithare chinoise’, ndlr). Mais c’est le fait d’avoir écouté beaucoup de chants féminins – d’Europe de l’Est notamment – qui m’a poussée dans cette direction. Elle forcent leur voix très haut dans les aigus pour sonner féminines. Tu vois, comme les chanteuses indiennes par exemple. C’est un peu bizarre mais j’aime bien ça, donc c’est quelque chose que je voulais essayer… Je chante assez bizarrement sur ce disque!
Tu as enregistré l’album avec Johannes Berglund, peux-tu m’en dire un peu plus à son sujet?
Jennie Abrahamson : C’est un vieil ami à moi, on vient du même petit village, où il y a seulement 1500 habitants environ! On a grandi ensemble, et je crois qu’il a fait son 1er concert avec moi en tant que guitariste quand j’avais 13 ans. Et le batteur qui est avec moi aujourd’hui était également à ce concert. Johannes, Micke (le batteur) et moi avons un studio à Stockholm. Johannes a travaillé avec moi sur mes deux albums. C’est comme un frère pour moi. Parfois je déteste travailler avec lui, mais nous avons acquis une certaine complicité avec le temps. Quand on ne travaille pas sur mes chansons, mais sur des ‘commandes’ qu’on nous a passées, comme des publicités, on est très rapide et efficaces, on essaie donc d’en faire de même sur mon travail. Parfois je me dis que ce serait bien d’essayer de travailler avec quelqu’un d’autre parce que ce serait bon d’essayer quelque chose de nouveau, mais d’un autre côté j’aime la façon de travailler qui est née de notre longue relation. On découvre les choses ensemble, c’est important et excitant, car c’est bon de pouvoir partager tout cela avec quelqu’un qui compte pour moi.
Tu as tourné l’an dernier avec Ane Brun en France, comment s’est passé ta première rencontre avec le public Français?
Jennie Abrahamson : Oui, on est d’abord venu en septembre pour jouer au même festival, mais pas le même soir (le Festival de musiques actuelles suédoises ÅÄÖ !, ndlr). J’ai joué au Point Ephémère avec mon groupe et je me souviens que l’ingénieur son de la salle m’avais prévenu que le public Français pouvait être assez ennuyeux, qu’il ne fallait pas trop attendre d’eux au risque d’être déçu. Et franchement j’ai été épatée parce qu’ils n’étaient pas calmes du tout! Je lui ai dit, ne viens pas en Suède, car là les gens son vraiment timides. Là les gens hurlaient au milieu des chansons s’il aimaient quelque chose. Du coup c’était l’un de mes meilleurs concerts! Ensuite j’ai joué en première partie d’Ane Brun au Café de la Danse et c’était bien aussi, j’ai joué du piano à queue avec ma boîte à rythme.
Ta musique et ta voix sont souvent comparées à Kate Bush, est-ce une artiste qui t’a effectivement influencée?
Jennie Abrahamson : Oui, c’est une influence parce que je l’ai beaucoup écoutée quand j’étais jeune. Mais en revanche je ne pense pas que ma musique soit à ce point réminiscente de celle de Kate Bush. En fait lorsqu’une chanteuse a une voix haut perchée, elle se retrouve souvent comparée à Kate Bush. Quand mon premier album est sorti, c’était au moment où la chanteuse Robyn marchait très fort, là les gens ont commencé à dire, « ah oui, elle chante comme Robyn », ce n’est pas vraiment le cas à mon avis. A la sortie de mon premier single, les magazines ont fait quelques comparaisons avec Lykke Li, parce que c’était la nouvelle artiste ‘hype’ montante. Sur mon label j’ai fait un album avec une autre chanteuse, AK von Malmborg, qui chante en Suédois et n’a pas la même voix que moi, mais très aigue quand même. Et toutes les critiques l’ont aussi comparée à Kate Bush. Ca devient récurrent, mais cela dit j’aime son travail et je la respecte.
Pour finir, dirais-tu que ‘While The Sun’s Still Up and The Sky Is Bright’ est un album joyeux?
Jennie Abrahamson : J’ai voulu qu’il le soit. Comme je viens du grand Nord de la Suède, j’ai beaucoup de mélancolie en moi. D’un côté on retrouve ça, mais j’ai voulu le rendre aussi heureux et positif que possible, en faire un bonbon rose ou un caramel au milieu de l’hiver!
Propos recueillis à Paris le dimanche 18 avril 2010.
Un grand merci à Jennie Abrahamson ainsi qu’à Elisabeth Lavarenne (Zaza Media Corp) pour avoir rendue possible cette interview.
Pour plus d’infos :
Chroniques :
‘The Sound Of Your Beating Heart’ (2012)
‘While The Sun’s Still Up And The Sky Is Bright’ (2009)
Voir la galerie photos du concert à la Maroquinerie, le lundi 14 mai 2012
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