Klô Pelgag est un véritable OVNI dans le domaine de la chanson. En l’espace de deux albums, cette artiste québecoise est déjà parvenue à bousculer les codes du genre. Entamée avec « L’alchimie Des Monstres », un premier album inspiré sorti en 2014, son aventure musicale prend une nouvelle dimension sur « L’Étoile Thoracique » qui vient de bénéficier d’une sortie française sur le label Zamora. Musicalement très abouti, bourré d’instruments en tout genre, ce disque est surtout un incroyable condensé de créativité entre arts visuels, musique et littérature. Rencontre.
Bonjour Klô, petite question très simple pour commencer : peux-tu te présenter? D’où viens-tu et quand as-tu commencé à faire de la musique ?
Klô Pelgag : Je m’appelle Klô Pelgag et je viens du Québec. J’ai grandi en Gaspésie à Saint-Anne-Des-Monts et j’habite à Montréal depuis 6 ans. J’ai commencé à faire de la musique quand j’étais ado. Je jouais du piano depuis mon enfance mais j’ai commencé à composer vers la fin de l’adolescence.
Tu joues de plusieurs instruments, as-tu reçu une éducation classique ou es-tu autodidacte ?
Klô Pelgag : En fait quand j’étais enfant je voulais jouer du violon mais il n’y avait que des cours de piano, donc j’ai commencé à prendre des petits cours très jeune. Ensuite j’ai arrêté, donc je n’ai pas une grande technique classique. J’ai réappris ensuite en écrivant des chansons, j’ai alors développé une oreille pour faire mes propres trucs. Je joue de la guitare aussi mais c’est vraiment plus par instinct.
Et à l’époque il y a des artistes qui t’ont donné envie de faire ce métier ?
Klô Pelgag : Oui, à différentes époques différentes personnes de différents milieux en fait ! Quand j’étais ado j’écoutais beaucoup de Rock Progressif, puis par la suite je me suis intéressée à la musique des années 60/70 au Québec, des trucs complètement fous, notamment un groupe qui s’appelle L’Infonie, entre autres. Après je me suis aussi intéressée à la poésie, surtout Claude Gauvreau et ses écrits, mais aussi à l’art visuel et au cinéma. Il y a eu beaucoup de choses, notamment la découverte de l’absurde avec des gens comme Ionesco, plutôt dans le théâtre, où j’ai vraiment trouvé mon humour. Je me suis rendue compte que je n’étais pas trop bizarre parce qu’il y a plein de gens qui ont ce genre d’humour !
Le piano est ton instrument de prédilection, c’est à partir de là que tu composes ? La musique vient avec les textes ?
Klô Pelgag : Oui, c’est ça. C’est surtout avec le piano, même si quelques chansons démarrent à la guitare aussi, c’est vraiment avec cet instrument-là que je suis le plus en cohésion.
On reproche souvent à la chanson française de donner plus d’importance aux textes qu’à la musique, en écoutant ton album on se dit que pour toi les deux en ont autant?
Klô Pelgag : Absolument, mais je ne pense pas vraiment venir d’une tradition de la chanson française. Je vois vraiment ça comme un tout. Musique, mots, spectacle, ces trois visions vont ensemble pour moi, mais ne se définissent pas nécessairement par le passé.
Sur ton album il est question de fleurs, d’étoiles, voulais-tu le concevoir en t’appuyant sur un concept lié aux éléments naturels ?
Klô Pelgag : Non ! Je n’avais pas de concept et ce disque n’est vraiment pas conceptuel pour moi. Il y a une ligne naturelle qui s’est construite, puisque c’est le deuxième album, il a été écrit dans un plus court laps de temps, entre un et deux ans. Je pense qu’on a tous nos obsessions, des thèmes qui nous font plus vibrer, il y a donc des choses qui reviennent comme le rapport au ciel, aux étoiles, ce qui est plus grand que nous.
Tu as vraiment visité le Musée Grévin ? J’ai l’impression que tu n’as pas vraiment aimé !
Klô Pelgag : Je ne l’ai pas visité mais j’ai vu tellement de publicités, parce qu’il y en a un nouveau qui vient d’ouvrir à Montréal. Et je trouve ces pubs affreuses. Je suis allée au musée de cire à New York par exemple mais je trouve ça ridicule. C’est très représentatif de l’art du temps, de se prendre en photo avec plein de gens figés qui ne sont pas vivants pour montrer qu’on est un petit peu plus proche que l’on était d’eux, mais pas vraiment en fait ! C’est étrange… Je trouve ça choquant et un peu drôle en même temps, mais surtout déprimant !
Tu essaies également d’intégrer l’image dans tes textes en jouant beaucoup avec les métaphores, comme « manger des flocons de tempête », « aller boire aux nuages » ou « J’implose en constellations ». Cette musique très imagée c’est quelque chose qui te définit ?
Klô Pelgag : Oui, je pense que c’est mon langage, celui dans lequel je me reconnais le plus, qui me fait vibrer et surtout du bien. C’est un langage intérieur. Tout le monde a sa propre poésie en quelque sorte et celle-ci c’est la mienne. C’est vraiment plus imagé que la norme peut-être mais ce n’est pas moins réel pour autant. C’est juste amené d’une autre façon que je trouve personnellement aussi directe en fait.
Justement comment peut-on interpréter le titre de l’album « L’Étoile Thoracique » ?
Klô Pelgag : Pour moi c’est le cœur. On peut l’interpréter comme ça ou de différentes façons. C’est pour ça que je n’aime pas vraiment expliquer ce que tout veut dire parce que ça bloque un peu l’élan que les gens auront pour trouver leur propre sens là-dedans.
Je me demandais quand même aussi ce qu’était un « ferrofluide-fleur » ? Ferrofluide c’est un terme qui existe je crois ?
Klô Pelgag : Oui, en allant faire un petit voyage sur Google ou YouTube on peut découvrir que les ferrofluides c’est un concept scientifique de nanoparticules qui est très, très complexe, presque irréel. C’est lié aux champs magnétiques, et moi je trouve que ça ressemble à des fleurs en fait. Cette phrase c’est un peu une observation, et ce n’est même pas moi qui l’ai écrite, car j’ai fait cette chanson en collaboration avec un autre artiste qui s’appelle Violett Pi. J’aimais tellement cette phrase que je lui ai empruntée.
La dimension visuelle a une importance particulière pour toi, la pochette de ton album notamment, qui l’a réalisée ?
Klô Pelgag : C’est Ludovic Debeurme, un dessinateur de bédés français. J’adore vraiment ce qu’il fait, je l’ai découvert avec deux bandes dessinées, l’une s’appelle « Trois Fils » et l’autre « Un Père Vertueux » et comme je suis vraiment fan et touchée par son travail, je lui ai demandé par la suite de faire le visuel de mon album. A l’intérieur de la pochette du disque physique il y a aussi une bande dessinée.
Tu lui as laissé une liberté totale pour créer la pochette ?
Klô Pelgag : Oui, parce que c’est un artiste qui a une voix très forte. Donc je lui ai juste indiqué un champ lexical, je lui ai dit de lire les paroles, il a beaucoup écouté l’album et s‘est inspiré de son esprit.
De la même manière tu apportes beaucoup de soin à tes clips, c’est un domaine dans lequel tu t’investis également ?
Klô Pelgag : Parfois oui, dans les idées plus que le reste parce que le cinéma et la réalisation c’est quand même quelque chose loin de moi. Je n’ai pas le vocabulaire technique pour diriger une équipe par exemple. Mais je vois les clips comme une collaboration entre deux personnes. Comme pour la pochette, il y a la voix du réalisateur qui va souvent proposer un concept. On fait un brainstorming pendant lequel je lui donne mon avis sur ce qui me plaît ou non, sur ce que l’on pourrait ajouter.
C’est ton frère Mathieu qui signe les arrangements de l’album avec Sylvain Deschamps ?
Klô Pelgag : Mathieu a fait des arrangements de cordes, de cuivres, d’orchestre et Sylvain s’occupe plus de la réalisation technique et il nous aide sur d’autres arrangements en dehors de ceux-ci.
Et quel est ton processus de composition ?
Klô Pelgag : Je fais des démos à la base dans lesquelles on retrouve déjà l’esprit des chansons. Je les envoie souvent à Sylvain et à Mathieu. A partir de là Mathieu propose un arrangement de cordes, s’il y en a besoin, car il y a quand même plusieurs morceaux sur l’album qui n’en ont pas. Ensuite c’est un peu complexe ! Mais chacun y apporte un petit truc. Même si les arrangements de cordes et de cuivres représentent un gros ajout, l’ensemble reste quand même très spontané.
Tu as donc fait venir un orchestre pour l’enregistrement ?
Klô Pelgag : On l’a construit nous-mêmes avec plein de gens que l’on connaissait ou avec qui on avait envie de travailler.
Et ça doit justement rendre l’enregistrement assez complexe ?
Klô Pelgag : Oui, en fait c’est beaucoup de préparation, beaucoup de travail pour Mathieu et Sylvain, pour être sûr que tout va fonctionner d’un point de vue technique et que personne ne se pose trop de questions le jour de l’enregistrement. Il faut être efficace, lorsqu’on amène ainsi beaucoup de gens en studio il ne faut pas que tout le monde donne son avis, parce qu’on avait seulement une journée pour tout faire, elle était donc décisive. Un bon stress au début pour avoir ensuite un rêve exaucé !
Et en tournée tu as aussi un orchestre avec toi sur scène ?
Klô Pelgag : Non. Là c’est seulement le début mais il va arriver dans le courant de la tournée, notamment aux Francofolies de Montréal en juin, mais sinon on est 6 sur scène, une formation réduite mais quand même assez grande par rapport à ce que l’on voit habituellement sur scène.
Tu as l’impression d’avoir beaucoup évolué entre tes deux albums ?
Klô Pelgag : Oui, déjà j’ai tellement plus conscience de ce que c’est de faire de la musique et des tournées, et puis je sais mieux ce que je veux, comment communiquer mes idées, et mon écriture est plus précise. Même musicalement je pense que j’ai appris à me concentrer sur une idée et à la développer. Ce qui était intéressant dans le premier album c’était son côté foisonnant, plein d’idées, ça bougeait tout le temps. Il y avait quelque chose de fou, de libre, d’irréfléchi là-dedans et c’était bien aussi. Mais entre les deux je ressens personnellement une évolution qui n’est pas nécessairement meilleure, ce sont juste deux choses différentes.
Je crois que tu as reçu un prix ici pour ton premier album. Comment ressens-tu l’accueil qui t’est fait en France ?
Klô Pelgag : C’est bien, mais je trouve qu’il reste encore du chemin à parcourir pour trouver mon public et monter d’un niveau. Par exemple ce qui a aidé à faire connaître mon projet au Québec, ce sont les rares passages à la télévision. On n’a pas trop eu cette chance là en France mais en même temps les émissions culturelles de grande écoute sont quasiment inexistantes maintenant. Mais j’aime bien partir en tournée et me dire qu’à chaque salle où tout le monde ne connaît pas nécessairement ma musique il y a peut-être 10 nouvelles personnes qui vont nous suivre. C’est un peu comme un pèlerinage, tu entraînes les gens avec toi dans la vague !
Ce n’est pas la première fois que tu viens jouer en France, à quand remonte ton premier voyage et qu’en as-tu pensé ?
Klô Pelgag : Je crois que mon premier voyage c’était les Rencontres d’Astaffort. C’est un prix que j’avais gagné au Québec, ce sont des ateliers d’écriture dans le village de Francis Cabrel. Ils vendent ça comme un atelier avec lui mais en fait il n’est pas là ! Mais ce n’est pas grave ! C’était donc dans un petit village et pas à Paris, c’était quand même cool mais aussi un mini choc dans le sens où tu sens que tu n’es pas compris avec certitude, au niveau de la langue mais aussi de l’attitude et de l’énergie c’est quand même tellement différent. Ça c’est intéressant.
Tu te déguises beaucoup sur scène apparemment, c’est pour créer une autre version de toi-même ?
Klô Pelgag : Non, en fait je dirais qu’au contraire c’est plus proche de moi-même parce que sur scène on a l’occasion de tout faire, ce que l’on veut, ce que l’on est, et c’est presque la seule occasion pour le faire alors je la saisis avec plaisir. Et c’est vraiment un endroit pour exprimer ma vision de l’art, que ce soit dans la mise en scène ou les costumes. C’est une très belle occasion de déstabiliser et d’amener les gens ailleurs, dans une version plus intime de soi-même finalement, parce que faire un spectacle c’est aussi beaucoup de réflexion et de travail. Tu n’arrives pas juste comme ça pour jouer tes chansons.
Pour terminer, qu’aimerais-tu que les gens retiennent de ton album ?
Klô Pelgag : J’aimerais au moins qu’ils l’écoutent plusieurs fois. Personnellement, pour bien comprendre un album il me faut 6 ou 7 écoutes pour qu’il me fasse quelque chose, qu’il me bouleverse et que j’entre vraiment dedans. C’est difficile parfois de sortir de son quotidien pour entrer dans une bulle qui n’est pas la nôtre. J’aimerais donc qu’ils prennent du temps pour l’écouter, et de préférence dans de bonnes conditions, en marchant peut-être, c’est très bon ça ! Qu’ils en pensent ce qu’ils veulent. S’ils détestent, qu’ils détestent vraiment, et s’ils aiment, qu’ils adorent !
Propos recueillis au studio Ferber, Paris, le mardi 7 février 2017.
Un grand merci à Klô Pelgag, Xavier Chezleprêtre pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à toute l’équipe de Zamora Label.
Pour plus d’infos :
Lire la chronique de « L’Etoile Thoracique » (2017)
http://klopelgag.com/
https://www.facebook.com/klopelgag/
https://twitter.com/klopelgag