La dernière fois que nous avions rencontré Laetitia Shériff – il y a 6 ans déjà – elle nous avait beaucoup parlé. Eh bien cette fois-ci elle nous a encore plus parlé ! Les projets et surtout les rencontres qui ont jalonné ces années n’y sont pas pour rien, ils ont grandement contribué à la genèse de son nouvel album ‘Pandemonium, Solace & Stars’. Entretien fleuve et réjouissant.
10 années se sont déjà écoulées depuis ton premier album, 6 ans déjà depuis ‘Games Over’, es-tu une artiste qui prend son temps ou as-tu subi toi aussi cette attente ?
Laetitia Shériff : Pas franchement au début, mais le temps passe tellement vite et pour ce projet j’avais besoin de m’informer. Il y a aussi eu une nouvelle ère. J’ai arrêté de tourner en 2009 en trio et je suis repartie toute seule sur les routes. Il y a aussi eu tous les projets à côté comme le nouvel album de Trunks qui nécessitaient que je sois présente et que j’y passe du temps. Il y a forcément des moments plus calmes, il y a la vie, même si la musique est toujours présente. Il y a aussi les événements qui t’empêchent d’avancer et qui ne sont pas forcément liés à la crise du disque ou quoi que ce soit. Ça peut jouer sur le fait que les choses soient retardées, parce qu’au final cet album a été enregistré l’année dernière, il aurait pu sortir très vite aussi. Mais j’avais justement envie d’être avec les bonnes personnes, de passer du temps avec ceux qui ont participé à l’album et savoir comment j’allais faire. A un moment j’ai eu un déclic, il fallait que j’oublie ces 10 dernières années et repartir sur quelque chose qui serait proche de ce que j’ai toujours envie de faire. Forcément c’est dur quand tu as envie de quelque chose et que tu ne l’as pas, il y a de l’attente. Mais aujourd’hui je suis contente de ça, de ce temps qui est passé… Mais ça m’échappe complètement de parler de décennie maintenant!
Ton album est sorti chez Yotanka…
Laetitia Shériff : … et Impersonal Freedom ! Ce sont deux labels qui ont fusionné.
J’ai l’impression que c’est une jeune structure avec surtout des groupes de l’Ouest comme Von Pariahs?
Laetitia Shériff : Oui, récemment. Il y a notamment Zenzile qui sont un peu les doyens du label, Versari, Psykick Lyrikah… Effectivement c’est plutôt situé dans l’Ouest, du côté d’Angers d’où ils sont pour la plupart originaires. En fait c’est le tourneur avec qui je travaille qui nous a mis en contact. Moi j’avais déjà commencé sur Impersonal Freedom avec Thomas Poli qui a réalisé l’album. C’est un label qui faisait de petites sorties, du ‘home made’ qui correspondait à de vraies envies de la part de Thomas. Du coup ce projet de disque a mis du temps à se mettre en place avec lui parce qu’il avait envie de le faire d’une certaine manière avec des outils particuliers. On l’a fait chez moi. Et quand on a vu justement que par rapport à mes envies qu’il n’y avait pas vraiment de possibilité de travailler avec des personnes en pleine suffocation – je parle des labels avec le discours de la crise – j’avais envie de dépasser ça. Je n’y croyais plus, je me disais « elle est où, la passion ? » tout en tenant compte des réalités, mais avec une certaine tristesse de voir les choses émotionnelles ou artistiques être bouffées par cet aspect purement et simplement économique. Et avec Thomas qui est ingénieur du son et musicien aussi sur un label comme Impersonal Freedom qui a toujours fait les choses sans voir en grand, avec de petites sorties, on a fait notre petite tambouille et on s’est dit qu’on allait avancer. Thomas m’a proposé d’aller au moins jusqu’au mastering et que de toute façon ce disque allait sortir. Mais entretemps les Tontons Tourneurs m’ont proposé de faire écouter les mises à plat à Yotanka. On a pris contact en janvier et puis voilà, depuis on a essayé de voir quel fonctionnement on pouvait avoir, qui on était, quelles étaient mes envies et les leurs avec leur façon de travailler, ainsi que Thomas… Et tout ça s’est parfaitement bien mélangé. Thomas avait déjà pris contact avec leur distributeur, Differant… Donc voilà, le processus est long.
En parlant d’Impersonal Freedom, ton EP « Where Is Mi ID » était sorti sur ce label il y a deux ans ?
Laetitia Shériff : Oui c’était ça. On l’a co-produit et c’était chic de vivre ce truc-là. Un 4 titres enregistré un été où j’avais une contrainte qui était aussi un plaisir qui était de jouer tous les instruments, chose que je n’avais pas faite depuis les maquettes de ‘Codification’, avant de jouer avec Olivier Mellano et Gaël Desbois ! C’est un exercice assez fou, ça m’a vraiment boostée pour aller vers l’enregistrement de l’album.
C’était une première ébauche de ce qu’allait devenir l’album, on y retrouve deux titres d’ailleurs je crois ?
Laetitia Shériff : Oui, en quelque sorte. On y trouve ‘Urbanism’ et une version de ‘Beautiful Rage’ qui du coup est devenu ‘Beautiful rage II’.
Ton nouvel album s’appelle ‘Pandemonium, Solace and Stars’ ? Peux-tu m’en donner la signification ?
Laetitia Shériff : Tu sais quand tu es arrivé à un stade de l’enregistrement où tu as tous les morceaux, c’est venu pendant… j’ai baigné de façon un peu folle dans la documentation de, comment dire… J’ai regardé des films de science-fiction, mais pas comme quand j’étais petite juste pour le plaisir mais vraiment pour trouver un parallèle entre ces visionnaires et la société dans laquelle on vit, et de trouver de fortes ressemblances avec ce qui nous arrive, avec l’ultra information qui est très nocive pour moi, comme écouter la radio, acheter la presse spécialisée, aller voir des documentaires. Tout cela se mélangeait avec mon cheminement de la vie et à un moment donné quand tu parles de quelque chose de nocif c’est clair qu’on est proche de l’enfer, et Pandemonium c’est la capitale de l’enfer qui a été inventée par un peintre anglais qui a fait une très belle toile – je ne la mettrais pas dans mon salon, ça c’est sûr – mais qui représente bien ce que tout le monde imagine de ce que l’enfer pourrait être, avec une vision romantique aussi. Et du coup voilà j’ai cheminé aussi vers d’autres choses, la vie comme j’en parlais, le fait d’être avec les autres, ça parle d’amour, ça parle d’amitié, du fait d’être là les uns pour les autres. Dans les romans et les films d’anticipation ça se finit rarement bien, et en fait je me suis aperçue que ça pouvait ne pas être le cas. Notamment en allant voir ‘La Route’, une adaptation du livre de McCarthy qui raconte l’histoire d’un père et de son fils qui essaient d’aller vers le Sud dans un paysage apocalyptique, dans le Golfe du Mexique, parce qu’apparemment il y aurait un espoir de trouver de quoi manger, la mer, d’autres gens, de l’espoir… Mais sur le moment je n’ai pas vu ça, j’ai été traumatisée par ce film, je n’ai même pas lu le livre en fait… J’aimerais bien le lire maintenant !
Et cette thématique tu penses qu’on la retrouve dans les paroles de l’album ? Par exemple si on parle de ‘The Living Dead’, est-ce que c’est à prendre au premier degré ?
Laetitia Shériff : Il y a quelque chose derrière effectivement, J’ai vraiment utilisé le monde fantastique, ça aide souvent d’utiliser des images plutôt que des propos, et puis je n’avais pas envie d’être dans une démagogie apparentée au sujet. Je rends hommage au Nord de la France, de ce que j’en connais. C’est un hommage aux ouvriers. Il y a quelque chose qui a été cassé, il y avait les usines textiles, les mines, et pendant que j’écrivais ce morceau il y avait tous ces licenciements, de Citroën à l’industrie navale à Saint-Nazaire, et j’avais envie de parler de la pénibilité au travail. Au moment où j’ai écrit ça c’était axé sur les ouvriers mais ce sont aussi des gens qui ont un boulot qui les pèse. On m’a souvent parlé de la crise du disque mais il y a la crise tout court en fait, et même dans le service public. J’ai partagé ça avec des amis qui travaillent dans le milieu hospitalier ou dans l’éducation nationale, ou dans des bureaux, des start up… Moi j’ai fait un choix, celui de faire de la musique, et il y a peut-être un côté immature, donc c’est comme si j’avais ce devoir là d’être toujours à ma place mais de m’ouvrir aussi pour ne pas oublier que ce n’est pas évident. En utilisant le monde des morts vivants, je crois que ça donne une place importante à ces personnes. En fait dans les légendes les morts vivants ce sont des gens qui deviennent invincibles. Et pour revenir à l’explication de ‘Pandemonium, Solace & Stars’, j’ai échangé tout ça avec les musiciens avec qui j’ai travaillé mais aussi Thomas Poli ou la maison de disque et en fait j’ai réalisé que ça pouvait représenter une journée qui commence mal et qui finit bien, d’aller de l’ombre à la lumière.
Je crois que c’est le cas quand on entend les paroles à la fin de l’album (‘Let’s Dance, let’s sing, let’s love…’) sur ‘Far & Wide’, ça se termine bien je crois?
Laetitia Shériff : Oui, ça se termine bien, et ce morceau est directement inspiré du film ‘La Route’ – même si c’est plutôt un bouquin à l’origine.
Et pour cet album tu as principalement travaillé en solo comme pour l’EP ou t’es-tu entourée d’autres musiciens?
Laetitia Shériff : En fait j’avais déjà en tête certaines personnes avec qui j’avais envie de travailler, comme Olivier Mellano, Nicolas Couret, Carla Pallone. En avançant dans mes compositions j’ai fortement pensé à eux. J’essayais aussi différentes choses lors de mes concerts solos. Je suis devenue un peu laborantine, j’avais envie de me documenter sur certaines choses : l’écriture, la composition, tout en laissant toujours une place aux arrangements des personnes qui participeraient à mon disque. Il se trouve qu’Olivier Mellano n’a pas pu y participer parce qu’il était sur son propre projet – et je trouve ça super – mais je me suis dit « comment vais-je faire sans lui? ». J’avais envie d’aller vers quelque chose d’incisif et Olivier est un super guitariste, j’aime son jeu qui s’est associé au fil des albums à un son particulier, donc je me suis vraiment demandée comment faire. J’avais même pensé à certaines parties de guitares pour lui. On a toujours fonctionné comme ça : je déroule un fil et lui le met en rond ou en dents de scie… Donc j’ai dû travailler la guitare, que je joue, mais pas comme Olivier, du coup ça m’a demandé un peu plus de concentration, et j’ai vraiment été leader de ce projet alors qu’avec Olivier et gaël on avait répété et arrangé ensemble les deux précédents albums, on les jouait avant en live et le studio était aussi une sorte de laboratoire à trois où les choses pouvaient être tranchées à un moment donné. Le chiffre 3 est vraiment important, surtout si l’un d’entre nous n’était pas d’accord sur quelque chose. Là j’ai dû prendre les décisions toute seule et guider aussi Nicolas et Carla qui se sont retrouvés propulsés dans ce truc-là. On s’est dit qu’on allait répéter et peut-être faire des dates et ça n’a pas vraiment été le cas. Du coup ils sont rentrés dans cet univers-là comme ça. Avec Nicolas on avait déjà tourné ensemble, et en ce qui concerne Carla on avait très fortement envie de travailler ensemble et du coup je pense que ça a été un peu plus complexe parce que c’est quelqu’un d’extrêmement sensible et exigeante. Elle a vraiment une touche très particulière – c’est la violoniste de Mansfield.tya – elle est assez incroyable, tu sens qu’elle est habitée par ce qu’elle fait. Face à ça il fallait vraiment que je sois précise moi aussi. J’ai donc dû faire beaucoup plus que par le passé, auteur-compositeur, arrangeur, co-arrangeur…
On retrouve justement des collaborations tout au long de ton parcours, il y a Trunks, et j’ai vu que tu avais eu carte blanche au festival Les Embellies, ça te tient à cœur, cette variété dans les projets ?
Laetitia Shériff : En fait ce n’est pas une envie de départ, c’est plutôt le fait d’être curieuse et de construire des choses ensemble, de voir comment fonctionne une association comme Patchrock par exemple et de se retrouver en symbiose totale avec l’état d’esprit de cette asso et de ce festival. J’ai passé un cap et j’ai pu voir des gens aussi sensibles que moi et avec qui on était complémentaire. Ces personnes-là sont indispensables pour te faire avancer et pour que les choses existent. Tu ne refuses pas une invitation quand ça vient de personnes qui sont complètement impliquées et que tu sens vraiment accrochées. Ce sont des gens assez positifs.
C’est aussi une porte ouverte à l’expérimentation, comme dans Trunks ?
Laetitia Shériff : Oui, et puis il est aussi question d’amitié, je pourrais même parler de ‘fratrie’ maintenant, parce que chacun est curieux de ce que fait l’autre, et puis il y a toujours cette idée de se retrouver, sans se poser 10 000 questions. Avec Trunks on s’est dit qu’on ne serait pas un groupe qui ferait de grosses tournées ou qui vivrait grâce à ce projet, mais on est un groupe, on aime se retrouver. Ça fait 10 ans qu’on existe, ce n’est pas confidentiel, on a fait des tas de concerts et à chaque fois on a traversé des épreuves dans nos vies et on a toujours été ensemble.
Et en quoi consistait cette carte blanche aux Embellies ?
Laetitia Shériff : Une carte blanche artistique, comme programmer des projets qui me touchent. Il s’est trouvé qu’il s’agissait de beaucoup de projets qui se jouaient pour la première fois ou d’autres que j’avais envie d’associer aux Embellies, à cet état d’esprit, à cette ambiance. Et en parallèle une carte blanche liée à des actions culturelles. J’ai posé mes conditions – on a préparé ça huit mois à l’avance – mais c’est le temps qu’il fallait pour construire quelque chose avec des partenaires sociaux ou des enfants ou des prisonnières. J’avais envie de travailler avec un organisme qui s’appelle La Ligue d’enseignement 35 parce que je connais une personne qui travaille au centre pénitencière pour femmes de Rennes, et moi j’habite en face. Donc ça m’a semblé évident. J’ai demandé à Stéphanie Cadeau de l’asso Patchrock parce que je savais qu’elle avait déjà organisé des rencontres, des actions, et que la porte était ouverte pour vivre une démocratie, une ouverture à la culture. Elle a travaillé avec GRPAS (Groupe Rennais de Pédagogie et d’Animation Sociale, ndlr)du quartier Maurepas et avec les enfants de l’école de Trégain. Ce sont des animateurs qui ont leurs entrées dans le milieu scolaire et qui proposent des activités culturelles liées à tellement de choses ! Et ils laissent le choix à ces enfants d’être volontaires ou pas pour aller par exemple visiter le Liberté à Rennes pendant le festival Travelling, et y aller en vélo parce qu’avant ils ont eu un atelier du code de la route, etc. Et en fait ce qui est incroyable et magnifique dans leur boulot c’est que ces gamins-là n’ont plus à se demander si maman ou papa vont les laisser faire ces activités, parce que ces gens vont aussi voir les familles. Il y a même des activités avec les familles, tout ce qui peut se passer dans une ville, ou ici dans un quartier. Ce n’est pas forcément évident de permettre à certains milieux sociaux d’accéder à ça. Donc je me suis dit super ! Les enfants avaient déjà travaillé avec eux l’année précédente, il s’agit de choses simples comme donner un coup de main aux techniciens mais qui pour eux sont marquantes. Ils sont venus au Jardin Moderne ou on était en résidence, il y a eu une visite et il y avait aussi une exposition des artistes avec qui ils avaient peut-être fait un atelier, et les plus petits qui n’ont pas forcément participé ont pu voir le lieu. Une petite m’a dit « j’aimerais bien revenir » et je lui ai répondu « maintenant tu sais où c’est », ce à quoi elle a répondu « oui, mais ma maman elle ne sait pas où c’est ». Au moins maintenant ces gamins savent que ce lieu-là existe, avec un centre de ressources, une salle de concert, des expositions… On a aussi travaillé avec un lycée, et c’est là toute la difficulté, de mener des actions culturelles avec des gens qui n’ont rien compris. L’animateur en question était hyper jeune, travaillait à mi-temps et était hyper sollicité par les lycéens… pour lui c’était un peu la panique, il flippait complètement ! On l’a rassuré en lui faisant comprendre qu’il était le vecteur entre les lycéens et les artistes… Et finalement on a réussi à faire quelque chose ensemble. Et on continue à bosser sur tous ces projets-là, l’action culturelle ne s’est pas faite que pour les Embellies mais elle se déplace dans le temps. Du coup voilà, il y a eu trois plasticiens, trois publics et un triptyque qui servait de décor lors de l’une des deux soirées de la carte blanche qui a été exposé ensuite dans la cour d’école des enfants (…). Mais finalement ce sont surtout les plasticiens qui ont travaillé, moi j’ai eu les rencontres, les discussions, les concerts – dont des concerts sauvages dans le lycée – ce qui a créé un échange entre nous, ils voulaient se renseigner sur ce que je fais, sur les sujets que j’avais envie qu’ils abordent. Tu vois : Pandemonium, Solace & Stars, chacun a pris une thématique de l’album. (…). Mais c’est comme ça qu’on évolue, il ne faut pas rester dans sa bulle, on est des individus « sociaux ». on ne peut pas prendre la parole pour les autres, il faut les écouter d’abord. Mon travail en tant qu’intervenante, c’est de donner confiance aux gens avec qui j’ai pu faire de la musique, etc. La vie est faite de ces rencontres-là qui sont super importantes pour moi.
On va revenir à l’album maintenant. La pochette était accompagnée d’une sérigraphie lors des précommandes, qui a fait cette pochette ?
Laetitia Shériff : Ce sont encore les mêmes personnes qui ont participé à l’atelier d’action culturelle ! Yoann Buffeteau a fait les photos, Eric Mahé a fait l’artwork et la sérigraphie d’après la photo de Yoann. C’a été une super combinaison d’individus, ce que j’avais bien vu en travaillant avec eux sur des actions culturelles. Ce sont des gens dont j’aime le travail qui ont une humanité et une pédagogie qui m’ont soufflées. J’ai pu profiter de cet environnement plutôt riche pour avancer sur la pochette et avoir le plaisir de travailler avec ces deux personnes-là. (…)
En parlant de l’aspect visuel, tu as fait un clip pour The Living Dead, je crois que c’était la première fois ?
Laetitia Shériff : Oui, je n’en avais pas fait avant.
C’était comment cette expérience ?
Laetitia Shériff : C’était génial! Il y avait une grosse équipe. La réalisatrice, Marie Larrivé, est sortie d’école l’année dernière. Elle a un truc ultra fluide, humain, et aussi peut-être un peu timide. Là elle a eu le cran d’envoyer son travail de fin d’année à 6 labels dont Yotanka, et justement le label m’avait dit « Il n’y a jamais eu de clip de toi ! ». J’avais déjà envie d’en faire, notamment avec un copain, Thierry Salvert, et j’avais envie d’en produire un aussi en mettant en scène deux de mes amis, dont une danseuse, un truc un peu Old School, donc je leur ai dit ça. C’est là qu’ils m’ont mise en contact avec Marie et ça s’est fait.
On y trouve justement un mélange de techniques, du dessin, du Stop Motion ?
Laetitia Shériff : Du Stop Motion, oui. Du dessin aussi mais c’est de la post production, il n’y en a pas énormément, juste les araignées qui apparaissent à un moment donné. Sinon c’est un travail de malade ! Entre le synopsis et la fin Marie a bossé dessus d’avril à septembre, avec plus d’un mois et demi de tournage. Moi j’y ai passé 12 Jours. On a filmé le nuit, j’ai appris cette technique, je ne savais pas ce que ça pouvait impliquer avant, une précision, une patience, quelque chose qui me ressemble assez quelque part pour la patience. C’est bien d’admirer aussi le travail des autres et de se dire « Oh ! C’est fou ! C’est magique ! » Il y a un gros travail de lumières. (…) Tu vois l’envers du décor mais il y a quand même un truc magique qui se passe. tu filmes la nuit, tu te retrouves au volant d’une bagnole superbe alors que tu n’as même pas le permis ! Mais ce n’est pas grave puisque tu avances de 15 ou 40 centimètres à la fois ! Voilà, me retrouver en actrice Hitchcockienne et avoir un rythme de travail régulier pendant ces 12 jours m’ont aussi fait un bien fou. C’était un peu tordu d’inverser les nuits et les jours, mais c’était vraiment magique, je crois que je n’aurais pas pu rêver mieux comme expérience pour mon premier clip.
J’en arrive à ma dernière question! J’ai reçu il y a quelques jours ton album que j’avais commandé en vinyle, sur lequel tu as écrit « Along The Sea, We Shall be Lucky », ce sont les paroles d’une chanson ?
Laetitia Shériff : C’est sur ‘Far & Wide’ et ça évoque la mer. J’ai mis des phrases comme ça assez différentes sur les dédicaces que j’ai pu faire sur les précommandes. Pour moi c’est l’endroit idéal, quand tu craques il faut aller à la mer. Il y a un truc magique là-dedans. Alors des fois ça ne marche pas, il y en a qui ne supportent pas le sable par exemple, mais juste le fait de voir quelque chose qui change et qui reste en même temps toujours la même influe sur ton imagination… Qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté? Il y a les choses que tu vois et celles que tu ne vois pas, il n’y a plus rien qui te pollue. Quand il fait beau les gens sont libérés, à moitié à poil, ils vont gratter le sable, manger du poisson… C’est un retour aux origines en fait. Et du coup le jour où ça ne va pas on pense à ça. Donne-toi les moyens d’aller à la mer ou sinon imagine. Voilà ce que ça voulait dire. Ce n’est pas personnel, j’ai fait ça à l’instinct, pour d’autres dédicaces j’ai écrit « let’s sing, let’s love », ou « it sounds like love ». j’ai essayé de prendre des phrases phares de cette chanson qui est finalement inspirée par un truc tellement glauque et qui finit comme je l’ai décidé! L’idée qui se répète à chaque fois c’est « ne fais pas fuir la colombe, ne la fais pas fuir, s’il-te-plaît! »
Propos recueillis à Paris le mercredi 15 octobre 2014
Un grand merci à Laetitia Shériff et à Vincent de Yotanka pour avoir rendue cette interview possible.
Pour plus d’infos:
Chroniques :
Pandemonium, Solace & Stars (2014)
Games Over (2008)
Codification (2004)
Interview, le mercredi 25 juin 2008
http://www.laetitia-sheriff.com/
http://www.facebook.com/laetitiasheriff
http://twitter.com/LaetitiaSheriff