Lisa Hannigan n’est pas née de la dernière pluie. Après avoir accompagné plusieurs années Damien Rice en chantant su ses deux albums qu’on ne présente plus, elle s’est envolée de ses propres ailes avec un premier disque en solo nommé au prestigieux Mercury Prize. Secret trop bien gardé jusqu’ici, elle revient aujourd’hui avec « Passenger », un nouvel opus qui lui permet enfin de toucher la France…
Ton nouvel album, ‘Passenger’ est sorti récemment en France, comment s’est passée son écriture, sur la route?
Lisa Hannigan : Oui, principalement pendant la tournée du 1er album. J’essayais de trouver des endroits calmes pour essayer d’écrire et mettre quelques idées bout à bout, afin de pouvoir faire des chansons à partir de ces ébauches une fois rentrée à la maison. Ca a duré environ un an .
Et le titre de l’album, « Passenger », est justement lié au fait que tu es beaucoup sur la route?
Lisa Hannigan : L’idée derrière ça c’est que toutes les chansons parlent de ce que tu prends avec toi où que tu ailles. Le titre vient plus ou moins de là, mais je peux dire que ce sont les chansons qui sont mes passagers ici!
La chanson « Passenger » a-t-elle été un point de départ pour cet album?
Lisa Hannigan : Je crois bien que c’est la première que j’ai écrite pour ce disque, ou en tout cas l’une des premières. Donc oui c’était un point de départ, la première que j’ai joué en live aussi. Il y a toujours ce moment un peu effrayant où tu termines quelque chose et tu te demandes sur quoi tu vas écrire ensuite. Donc quand j’ai écrit ‘Passenger’ j’étais très heureuse d’avoir commencé autre chose et de ne pas m’être retrouvée coincée.
Ca peut paraître évident, mais y-a-t-il un thème récurrent sur l’album?
Lisa Hannigan : Oui, comme je le disais c’est vraiment sur tout ce que tu emmènes avec toi où que tu ailles. Ca peut être des choses comme les préoccupations, que tu traînes avec toi pendant des années – et des kilomètres – mais qui sont tout le temps avec toi.
Peux-tu me parler de la pochette de l’album, ce n’est pas une vraie carte, n’est-ce pas?
Lisa Hannigan : Non, la pochette c’est une carte du disque, c’est-à-dire des principaux endroits où j’ai écrit les chansons. Il y a un peu de Dublin, de Brooklyn, de Baltimore qui est un village de pêcheurs à l’Ouest du comté de Cork en Irlande. J’ai dessiné les rues que j’ai parcourues pour finir les chansons et j’en ai fait une carte. En fait j’ai imprimé des cartes Google, je me suis amusée avec, et elles s’assemblaient vraiment bien. Brooklyn et Dublin en tout cas, comme si elles étaient faites pour aller ensemble.
Quant à la vidéo du single « Knots », quelle était l’idée derrière toute cette peinture jetée sur toi ?
Lisa Hannigan : Eh bien… je ne sais pas pourquoi j’ai eu cette idée ! Il y a pas mal de choses qui me traversaient l’esprit, comme les tableaux de Jackson Pollock, mais aussi les défilés colorés d’Alexander McQueen, tout cela s’est mélangé dans ma tête. Je me suis dit que c’était comme si on pouvait jouer tous les instruments à la fois en utilisant de la peinture. En gros, par exemple, jouer de la basse avec un pistolet à peinture… Donc je portais une robe blanche, devant un fond blanc, et j’avais une cinquantaine de personnes autour de moi, les membres du groupe et mes amis qui me tiraient dessus avec leurs pistolets. Ils m’entouraient en jetant cette peinture comme s’ils jouaient d’un instrument. C’est dur à voir sur la vidéo, mais l’idée c’était ça.
Les ambiances varient aussi sur cet album, je pense notamment à ‘What I’ll do’ qui est très différente des autres, avec un petit côté Musiques du Monde. Qu’est-ce qui t’a inspiré pour cette chanson ?
Lisa Hannigan : Cette chanson c’était vraiment quelque chose de fun. Je pouvais l’entendre dans ma tête. Alors je l’ai jouée aux membres du groupe avec ma guitare. Ils se sont mis à me suivre et ça fonctionnait vraiment bien, mais je leur ai dit : « Non, plutôt comme ça : oh, oh oh oh heyhey… » Et ils m’ont fait, « Ah ! Ok ! ». Je voulais lui donner une certaine légèreté, même si on ne la retrouve pas forcément dans les paroles, mais c’était vraiment ce qui convenait à ce morceau.
En parlant de ton groupe, tu chantes sous ton nom, mais tu as beaucoup de musiciens autour de toi. Peut-on dire que Lisa Hannigan est un groupe ?
Lisa Hannigan : C’est vrai que j’ai un groupe dont je suis très proche, c’est un peu comme une famille. J’écris les chansons et ils jouent un rôle important dans leur instrumentation. Mais je te dirais quand même non… Je ne pense pas que ça les offensera !
Et qui chante avec toi sur la chanson « O Sleep » ?
Lisa Hannigan : C’est Ray LaMontagne, un magnifique chanteur et compositeur. J’adore sa voix, et quand j’ai écrit cette chanson je savais que je voulais que ce soit un duo. Je lui ai demandé… Il a dit oui !
Je trouve qu’il y a aussi une forte identité irlandaise sur ce disque, notamment en raison de l’utilisation de certains instruments, comme les violons. Penses-tu que la musique traditionnelle irlandaise a effectivement eu une influence sur ce que tu fais aujourd’hui ?
Lisa Hannigan : Je ne sais pas… Je ne dirais pas oui absolument, mais il y a des éléments traditionnels en effet. J’ai écouté beaucoup de musique irlandaise en grandissant, donc je pense que ça doit venir de là, quelque part, mis je ne serais pas capable de te le préciser. Je ne crois pas que tu devinerais que je suis Irlandaise si tu ne savais pas ça.
J’ai remarqué que tu utilisais un harmonium sur plusieurs morceaux, ce n’est pas un instrument très commun, alors comment t’en est venue l’idée ?
Lisa Hannigan : La première fois que j’ai vu quelqu’un de l’harmonium, c’était Beck. Il chantait une chanson qui s’appelle « Nobody’s Fault » et j’ai trouvé le son tellement beau. C’est mon instrument préféré. C’est plaintif, mélancolique, mais avec quelque chose de très fort, j’adore ça. Donc après l’avoir vu en jouer j’ai essayé d’en trouver un, et il y a une boutique à Londres qui en vend. En fait c’est le premier instrument sur lequel j’ai commencé à écrire pour ce disque. Je l’ai trouvé très utile pour l’écriture car il emplit tellement l’atmosphère sans avoir besoin d’en faire tellement, juste avec deux notes on peut faire dégager beaucoup d’émotion.
Je t’ai vue chanter sur scène il y a très longtemps avec Damien Rice. Penses-tu que son énorme succès a ralenti ta propre carrière en tant qu’artiste solo ?
Lisa Hannigan : Non ! La ralentir, certainement pas. Avant je faisais ça avec lui, et maintenant je le fais seule mais il n’y avait pas vraiment de concurrence entre les deux.
Qu’est-ce que ça t’a fait d’être nommée pour un Mercury Prize avec ton premier album ?
Lisa Hannigan : C’était très excitant et j’étais très honorée de faire partie des artistes sélectionnés. C’était fou parce que personne ne connaissait mon nom alors mais ça m’a certainement permis « d’exister » !
Comme pour toi Lisa, j’ai souvent l’impression que les secrets les mieux gardés viennent d’Irlande – j’adore The Frames, Turn, Mundy, Gemma Hayes… Penses-tu que le public Français est plus difficile à séduire, comment se fait-il que l’on n’ait jamais entendu parler de toi avant ici ?
Lisa Hannigan : Ahaha, je ne sais pas ! Je ne sais pas si le public Français est difficile, mais j’imagine que c’est le problème de la langue. C’est agréable d’écouter des chansons dans sa propre langue et j’aurais aimé avoir un meilleur Français pour en chanter, ça serait bien. Mais sinon je pense que non, il faut juste que je vienne jouer ici et que je rencontre des gens. Je crois que je ne suis pas suffisamment venue ici jusqu’à présent, alors j’espère que ce sera de plus en plus souvent.
D’ailleurs j’avais lu dans une interview que tu parles un peu Français, c’est vrai ?
Lisa Hannigan : … Un petit peu ! (nous dit-elle en Français, ndlr). Aha ! C’est ce que je dis le plus souvent, « un petit peu » ! Je parle un petit peu !
Tu as déjà envisagé de chanter en Français ?
Lisa Hannigan : Oui, j’ai traduit ma chanson « Lille » en Français. Et j’aime chanter en Français, c’est très agréable, mais je ne sais pas ce que penserait un Français, si ça lui plairait de m’entendre chanter dans sa langue ! Mais moi ça me plaît !
J’ai vu que tu connais également un certain succès aux Etats-Unis. Vis-tu toujours à Dublin aujourd’hui ou passes-tu du temps là-bas?
Lisa Hannigan : Non, en fait en ce moment j’habite à Paris, ahaha ! Enfin, je suis là depuis 5 semaines. Puis là j’ai ma tournée européenne qui commence, puis la tournée américaine, et je pense qu’après j’aurai envie de revenir à paris jusqu’à la fin de l’année. Si je devais choisir un endroit pour vivre en Europe, ce serait probablement Paris. J’habitais effectivement à Dublin avant mais je suis venue ici il y a quelques semaines. Je ne sais pas si un musicien vit vraiment quelque part de toute façon, on a l’impression de sortir d’un sac la plupart du temps !
Propos recueillis à Paris le mardi 10 avril 2012.
Un grand merci à Lisa Hannigan, à Marie Rabottin pour avoir rendue cette interview possible, ainsi qu’à toute l’équipe de Pias France.
Pour plus d’infos :
Lire la chronique de Passenger
‘Voir « Knots » en session acoustique
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