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WARPAINT – Interview – Paris, jeudi 26 mai 2011

En l’espace d’un EP et d’un album, le quatuor de Los Angeles Warpaint est devenu l’une des révélations les plus excitantes de ces dernières années de la scène Rock alternative et ‘arty’ internationale. C’est à l’occasion de leur concert au Bataclan à Paris que nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Emily Kokalol (chant) et Stella Mozgawa (batterie) et de revenir sur l’histoire du groupe et la genèse de ‘The Fool’.

WARPAINT - Interview - Paris, jeudi 26 mai 2011

Comment a commencé l’histoire du groupe? Comment vous êtes-vous rencontrées?

Emily : J’ai rencontré Theresa quand nous avions 11 ans. On a beaucoup bougé à droite, à gauche, et on s’est retrouvées à Los Angeles à l’âge de 19 ans où j’ai connu Jenny. Theresa s’est installée avec la soeur de Jenny qui sortait avec le colocataire de Shannyn, Chester… Oui, ça sonne un peu comme une série TV! Nous étions amies et nous jouions toutes de la musique, donc on a décidé de monter un groupe. Puis Shannyn a quitté le groupe et on a passé plusieurs années à trois avec des batteurs différents jusqu’à ce que Stella nous rejoigne. Nous lui avions demandé d’enregistrer l’album avec nous. Le reste fait partie de « l’Histoire ».

Bien que vous soyez ensemble depuis longtemps, ‘The Fool’ est seulement votre 1er album. Y-a-t-il un message particulier que vous ayez voulu faire passer au public à travers ce disque après toutes ces années?

Emily : Je pense que nous étions très impliquées dans sa conception sans vraiment réfléchir à l’accueil qu’il recevrait. Il s’agissait plus de le faire sonner comme il faut pour nous. Et on était en plein rush. En fait on n’avait pas beaucoup de temps pour penser à quoi que ce soit hormis le fait d’en être suffisamment satisfaites pour qu’il sorte.Stella : Ce n’est pas un concept album, ça c’est certain! En tout cas ce n’était pas notre intention. Beaucoup de gens croient que c’en est un, alors que je pense que c’est plus un ensemble de chansons que les filles avaient depuis longtemps en réserve qui ont pris forme.

Sur l’album il y a une chanson qui s’appelle ‘Warpaint’, est-elle supposer refléter ce qu’est le groupe?

Emily : C’est marrant parce que lorsque l’on a commencé à l’écrire on l’a appelé ‘Warpaint’, je ne sais pas pourquoi. Il n’y a pas vraiment de raison à part le fait que cette chanson soit avec nous depuis le début. Elle a commencé avec Jenny, moi et une boîte à rythmes, puis c’est passé à Jenny, Theresa à la batterie et moi, et ensuite Shannyn à la batterie avec Theresa aux claviers. Et puis Theresa s’est mise à la guitare et la mélodie a aussi changé avec chacun des batteurs que nous avons eus!… Finalement cette chanson illustre le grand nombre de changements intervenus au sein du groupe. Elle a radicalement changé, on aurait dû en enregistrer chaque version parce qu’elles étaient toutes très bonnes!

Et à quoi fait référence le titre de l’album, ‘The Fool’?

Emily : hum… Qu’en penses-tu Stella?Stella : Je ne pense pas pouvoir vraiment répondre en connaissance de cause parce que je suis arrivée dans le groupe après, mais j’aime le fait que ce soit un terme plutôt vague. Je ne pense pas vraiment qu’il soit nécessaire de rentrer dans une analyse parce que j’aime bien le fait qu’il puisse y avoir plusieurs interprétations.

Emily : Je crois qu’il y a quelque chose de caché pour nous dans ce nom. Ce disque est comme un tremplin pour nous, qui définit ce que nous sommes toutes les quatre. Stella venait de rejoindre le groupe. C’était comme montrer ce que nous étions capables de faire à la dernière minute. The Fool c’est un peu ça : pas de préparation, de délibérations.

WARPAINT - Interview, Paris, jeudi 26 mai 2011Stella : On ne passait pas trois jours à préparer une ligne de guitare. Ce qui était transcendant c’était le fait de faire la première chose qui nous venait à l’esprit, instantanément. C’était bon ! The Fools, c’est nous ! Ce sont également les premières versions solidifiées des textes et des arrangements des chansons que tu peux entendre sur l’album. Ce n’est pas comme si nous les avions jouées sous cette forme depuis longtemps, tout cela a été décidé en studio, et j’en suis contente, j’en suis très fière, ça représente un moment de notre vie.

C’est important pour vous d’être un groupe de filles, ou est-ce que c’est juste arrivé comme ça ?

Emily : On n’a jamais eu l’intention d’être un groupe de filles, c’est arrivé naturellement et tous les autres batteurs avec qui nous avons joué étaient des hommes après le départ de Shannyn jusqu’à Stella. Maintenant je pense que c’est important parce que ça a bien plus de sens que par le passé d’être un groupe de filles. C’est une entente naturelle, dans nos relations et notre intuition. Tout fonctionne mieux de cette manière.

Et comment avez-vous réagi lorsque Shannyn a quitté le groupe ? C’a été difficile de trouver Stella ?

Emily (elle mime une grosse claque en pleine figure) : Stella n’est pas arrivée immédiatement après le départ de Shannyn, on ne la connaissait pas encore. Nous étions ouvertes aux candidats qui conviendraient, mais on n’arrivait pas à retrouver la connexion qui existait auparavant entre nous. Quand j’y repense maintenant je crois que nous étions très persévérantes car nous n’avions pas tellement de choses qui nous poussaient à continuer. Je crois que beaucoup d’autres auraient abandonné, mais on a toujours eu foi en notre groupe, en sachant qu’il finirait par se passer quelque chose. Euh, je ne me souviens plus de la question là !

Stella : Comment te sentais-tu lorsque Shannyn est partie ?

Emily : C’était effrayant. Au moment où elle est partie ça allait parce que les relations au sein du groupe n’étaient pas très fortes, il n’y avait pas vraiment de communication ouverte. Pour moi c’était OK, mais Theresa était vraiment déçue. Mais tu ne peux pas empêcher les gens de faire ce qu’ils ont à faire, comme devenir actrice en ce qui concerne Shannyn.

C’est l’une des raisons pour lesquelles l’album a mis tant d’années avant d’arriver ?

Emily : Oui, sans aucun doute. On s’est arrêté un an puis on a commencé à écrire de nouvelles chansons, et avant d’avoir un nouveau batteur on réécrivait des parties pour Theresa parce que c’est elle qui jouait de la batterie. C’était un peu fou ! Faire tout ce boulot pour quoi ? Il n’y avait pas d’enregistrements, ni de concerts… Mais ça a sans doute fait de nous un meilleur groupe, on a appris à s’adapter aux changements.

Et comment se passe l’écriture et la composition au sein du groupe ?

Stella : Il n’y a pas de règle, c’est souvent au cas par cas. C’est en général un membre qui commence avec une de ses idées. Je pense que je ne peux pas faire tellement de commentaires sur le processus de composition parce que je suis arrivée à un moment très particulier, même s’il y avait encore beaucoup de choses à faire. Ce n’était pas la même chose que de composer des morceaux depuis le début, ce par quoi sont passées les trois autres filles du groupe. Mais voilà, ça se passe comme ça. Chacun vient avec ses idées, on marche en collaboration, tout le monde est ouvert aux propositions des autres. On est très attachées au fait que chacun aie son mot à dire, et que chaque idée se matérialise, au moins pour un moment, pour voir si c’est la bonne.

Emily : Même si c’est un processus difficile, on essaie autant que possible de calmer le jeu. On n’est pas l’un de ces groupes qui font uniquement ce qu’ils savent qui va marcher en ne s’aventurant pas au-delà de ce qu’ils connaissent. On essaie d’être aussi ouverte que possible, pas de dictature au sein du groupe! Chacun doit s’exprimer et c’est ce qui est si difficile avec un groupe car il y a tellement de compromis.

Et en ce qui concerne les paroles, essayez-vous de raconter des histoires, ou sont-elles plus inspirées par la vie quotidienne?

Emily : Je pense que c’est juste plein de poésie, d’images, c’est très aléatoire. Pour moi ça correspond à la manière dont j’écris dans mon journal intime, comme si j’essayais de trouver des solutions. Mais en même temps il n’y a rien de littéral, ça n’est pas basé sur des relations, je ne parle pas de moi.

J’ai l’impression qu’il y a une histoire derrière la chanson ‘Lissy’s Heart Murmur’?

Emily : C’est certain. Voilà quelque chose de très particulier. Il y a deux choses; tout d’abord cette histoire très littérale où la protagoniste demande à s’installer sous l’eau pour rejoindre la personne qu’elle aime, ce qui signifie qu’elle doit dire au revoir au monde qui existe au-dessus et à tout ce qu’elle connaît. Elle fait un grand sacrifice par amour. Mais ça parle aussi de ce qui arrive souvent lorsque tu es dans une relation, tu es entraîné. Je me bats toujours avec ce concept, c’est-à-dire définir ce que pourrait être une relation saine, parce que s’impliquer ainsi est d’une certaine manière complètement malsain. Tu choisis une personne précise, mais tu dois laisser de côté certains aspects de ta personnalité afin de te sentir en sécurité, et beaucoup de relations durent pour la vie, ça change la vie! Je trouve ce concept très intéressant, c’est l’idée que j’essaie d’explorer ici.

WARPAINT - Interview, Paris, jeudi 26 mai 2011Vous vivez à Los Angeles où vous avez enregistré l’album. Pensez-vous que la ville a eu une influence sur votre musique?

Stella : Naturellement l’environnement qui t’entoure a une influence sur ton imagination. C’est comme côtoyer des gens différents, ça peut avoir un effet sur la manière de parler, de réagir, on devient un peu caméléon. Alors je ne sais pas quelle est l’influence de la ville, ni dans quelles proportions, mais je serais curieuse de voir comment ça se passerait si on habitait et enregistrait dans une autre ville.

Emily : En fait je pense que l’influence de Los Angeles a été gênante d’une certaine manière. A un moment de notre parcours nous nous sommes installées ensemble dans une maison au Canada et c’était une période très productive et intense, alors qu’à Los Angeles nous étions plus souvent séparées et on se retrouvait pour jouer. Je pense que dans un environnement plus naturel où je serais plus isolée je ferais probablement une meilleure musique, parce que je me laisse facilement distraire, notamment par L.A. Et puis les chansons sont des histoires de Los Angeles, les sujets des paroles font parfois directement référence à la ville, comme ‘Shadows’ qui parle de frustration de vivre dans une ville comme Los Angeles. ‘Beetles’ aussi, sur la relation que nous avons eu ces 10 dernières années là-bas. Peut-être que si j’allais habiter dans la forêt j’écrirais des chansons sur… les lutins! Ou le soleil!

Vous avez enregistré l’album avec Tom Biller (Liars, Sean Lennon, Irving), pouvez-vous me parler un peu de votre travail ensemble?

Emily : Je me rends compte aujourd’hui que c’est un ingénieur du son vraiment incroyable. Il a fait des bandes originales de films. Ill était vraiment méticuleux, notamment en ce qui concerne le son de la batterie. Il a un style excellent pour la Pop, tout en restant très intégré à la musique plus ‘Punky’ et dure.

Stella : Et je pense que la plupart des ingénieurs du son Pop sont beaucoup moins ouverts, ne font pas de concessions, et te disent « Moi c’est comme ça que je fais un disque», alors que lui nous laissait suffisamment le contrôle. C’aurait pourtant été sans doute plus facile à ce moment-là de s’en remettre aux idées d’un autre, sachant que nous avions un délai court, que nous étions en plein rush. Mais Tom voulait être sûr que nous puissions faire le disque dont nous avions envie. Il n’a jamais mis de barrières.

Emily : Tom faisait tout ce dont nous n’étions pas capables techniquement, et il avait une très bonne oreille notamment en ce qui concerne l’arrangement du son de la batterie. Je serais curieuse de le voir remixer notre album et de voir comment ça sonne. Probablement plus ‘Pop’, même si ce n’est pas exactement le terme que je veux employer ici.

Et comment vous sentez-vous sur scène ? Quelle forme prend l’album sur scène ?

Stella : C’est assez différent. Pas en terme d’arrangements mais en terme de son. Et nous avons eu le temps de trouver ce qui fonctionne en live. Ce n’est pas une copie carbone de l’album. Le live est sans aucun doute une expérience différente, tout en restant fidèle aux moments importants des chansons.

Il y a plus d’improvisation en fait?

Emily : Oui. Alors qu’ on a dû se presser pour l’enregistrement, on a tourné pendant un an et demi, ce qui nous a laissé le temps d’emmener les chansons là où on le voulait, en faisant de versions plus matures.

Je crois que j’en arrive à ma dernière question! Il y a exactement un an vous faisiez la première partie de Surfer Blood à la Maroquinerie à Paris. Vous voici aujourd’hui en tête d’affiche dans une salle beaucoup plus grande, le Bataclan…

Stella : Shit! C’est notre premier concert en tête d’affiche ici, je croyais que c’était l’autre!

Emily : C’était en mai?

Oui, il y a juste un an. Alors, comment vivez-vous ce succès grandissant?

Emily : C’est vraiment bizarre parce que je n’y pense pas. On n’a pas forcément l’impression que c’est le cas, bien que je me rende compte aujourd’hui que c’est quelque chose d’inhabituel. On ne connaît rien d’autre, donc c’est arrivé naturellement. Mais en tout cas avant de commencer cette nouvelle tournée au Royaume-Uni et en Europe, je ne m’attendais pas à ce que l’on joue dans des salles aussi grandes. Je croyais qu’on allait faire le même genre de salles que la Maroquinerie. mais tous les derniers concerts se sont passés dans des grandes salles et étaient complets. Comme on vient des Etats-Unis on ne se rend pas forcément compte de la promotion, ou de l’impact de notre groupe ici, parce qu’aux US c’est plus étendu et donc moins populaire hormis dans les grandes villes. Je crois qu’on est un peu naïves par rapport à ça.

Stella : Nous sommes flattées!

Emily : Oui, ça ne fait aucun doute!

Propos recueillis à Paris le jeudi 26 mai 2011.

Un grand merci à Warpaint, Jean-Christophe Pons pour avoir rendue cette interview possible, Beggars France, ainsi qu’à tout le staff de Warpaint dont Jessica et les roadies pour leur accueil et leur sympathie.

Pour plus d’infos:

Lire la chronique de ‘The Fool’

Voir la galerie photos du concert au Bataclan, le jeudi 26 mai 2011

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