En l’espace d’un EP et d’un album, le quatuor de Los Angeles Warpaint est devenu l’une des révélations les plus excitantes de ces dernières années de la scène Rock alternative et ‘arty’ internationale. C’est à l’occasion de leur concert au Bataclan à Paris que nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Emily Kokalol (chant) et Stella Mozgawa (batterie) et de revenir sur l’histoire du groupe et la genèse de ‘The Fool’.
Comment a commencé l’histoire du groupe? Comment vous êtes-vous rencontrées?
Bien que vous soyez ensemble depuis longtemps, ‘The Fool’ est seulement votre 1er album. Y-a-t-il un message particulier que vous ayez voulu faire passer au public à travers ce disque après toutes ces années?
Sur l’album il y a une chanson qui s’appelle ‘Warpaint’, est-elle supposer refléter ce qu’est le groupe?
Et à quoi fait référence le titre de l’album, ‘The Fool’?
Emily : hum… Qu’en penses-tu Stella?Stella : Je ne pense pas pouvoir vraiment répondre en connaissance de cause parce que je suis arrivée dans le groupe après, mais j’aime le fait que ce soit un terme plutôt vague. Je ne pense pas vraiment qu’il soit nécessaire de rentrer dans une analyse parce que j’aime bien le fait qu’il puisse y avoir plusieurs interprétations.
Emily : Je crois qu’il y a quelque chose de caché pour nous dans ce nom. Ce disque est comme un tremplin pour nous, qui définit ce que nous sommes toutes les quatre. Stella venait de rejoindre le groupe. C’était comme montrer ce que nous étions capables de faire à la dernière minute. The Fool c’est un peu ça : pas de préparation, de délibérations.
Stella : On ne passait pas trois jours à préparer une ligne de guitare. Ce qui était transcendant c’était le fait de faire la première chose qui nous venait à l’esprit, instantanément. C’était bon ! The Fools, c’est nous ! Ce sont également les premières versions solidifiées des textes et des arrangements des chansons que tu peux entendre sur l’album. Ce n’est pas comme si nous les avions jouées sous cette forme depuis longtemps, tout cela a été décidé en studio, et j’en suis contente, j’en suis très fière, ça représente un moment de notre vie.
C’est important pour vous d’être un groupe de filles, ou est-ce que c’est juste arrivé comme ça ?
Et comment avez-vous réagi lorsque Shannyn a quitté le groupe ? C’a été difficile de trouver Stella ?
Emily (elle mime une grosse claque en pleine figure) : Stella n’est pas arrivée immédiatement après le départ de Shannyn, on ne la connaissait pas encore. Nous étions ouvertes aux candidats qui conviendraient, mais on n’arrivait pas à retrouver la connexion qui existait auparavant entre nous. Quand j’y repense maintenant je crois que nous étions très persévérantes car nous n’avions pas tellement de choses qui nous poussaient à continuer. Je crois que beaucoup d’autres auraient abandonné, mais on a toujours eu foi en notre groupe, en sachant qu’il finirait par se passer quelque chose. Euh, je ne me souviens plus de la question là !
Stella : Comment te sentais-tu lorsque Shannyn est partie ?
Emily : C’était effrayant. Au moment où elle est partie ça allait parce que les relations au sein du groupe n’étaient pas très fortes, il n’y avait pas vraiment de communication ouverte. Pour moi c’était OK, mais Theresa était vraiment déçue. Mais tu ne peux pas empêcher les gens de faire ce qu’ils ont à faire, comme devenir actrice en ce qui concerne Shannyn.
C’est l’une des raisons pour lesquelles l’album a mis tant d’années avant d’arriver ?
Et comment se passe l’écriture et la composition au sein du groupe ?
Stella : Il n’y a pas de règle, c’est souvent au cas par cas. C’est en général un membre qui commence avec une de ses idées. Je pense que je ne peux pas faire tellement de commentaires sur le processus de composition parce que je suis arrivée à un moment très particulier, même s’il y avait encore beaucoup de choses à faire. Ce n’était pas la même chose que de composer des morceaux depuis le début, ce par quoi sont passées les trois autres filles du groupe. Mais voilà, ça se passe comme ça. Chacun vient avec ses idées, on marche en collaboration, tout le monde est ouvert aux propositions des autres. On est très attachées au fait que chacun aie son mot à dire, et que chaque idée se matérialise, au moins pour un moment, pour voir si c’est la bonne.
Emily : Même si c’est un processus difficile, on essaie autant que possible de calmer le jeu. On n’est pas l’un de ces groupes qui font uniquement ce qu’ils savent qui va marcher en ne s’aventurant pas au-delà de ce qu’ils connaissent. On essaie d’être aussi ouverte que possible, pas de dictature au sein du groupe! Chacun doit s’exprimer et c’est ce qui est si difficile avec un groupe car il y a tellement de compromis.
Et en ce qui concerne les paroles, essayez-vous de raconter des histoires, ou sont-elles plus inspirées par la vie quotidienne?
J’ai l’impression qu’il y a une histoire derrière la chanson ‘Lissy’s Heart Murmur’?
Vous vivez à Los Angeles où vous avez enregistré l’album. Pensez-vous que la ville a eu une influence sur votre musique?
Stella : Naturellement l’environnement qui t’entoure a une influence sur ton imagination. C’est comme côtoyer des gens différents, ça peut avoir un effet sur la manière de parler, de réagir, on devient un peu caméléon. Alors je ne sais pas quelle est l’influence de la ville, ni dans quelles proportions, mais je serais curieuse de voir comment ça se passerait si on habitait et enregistrait dans une autre ville.
Emily : En fait je pense que l’influence de Los Angeles a été gênante d’une certaine manière. A un moment de notre parcours nous nous sommes installées ensemble dans une maison au Canada et c’était une période très productive et intense, alors qu’à Los Angeles nous étions plus souvent séparées et on se retrouvait pour jouer. Je pense que dans un environnement plus naturel où je serais plus isolée je ferais probablement une meilleure musique, parce que je me laisse facilement distraire, notamment par L.A. Et puis les chansons sont des histoires de Los Angeles, les sujets des paroles font parfois directement référence à la ville, comme ‘Shadows’ qui parle de frustration de vivre dans une ville comme Los Angeles. ‘Beetles’ aussi, sur la relation que nous avons eu ces 10 dernières années là-bas. Peut-être que si j’allais habiter dans la forêt j’écrirais des chansons sur… les lutins! Ou le soleil!
Vous avez enregistré l’album avec Tom Biller (Liars, Sean Lennon, Irving), pouvez-vous me parler un peu de votre travail ensemble?
Emily : Je me rends compte aujourd’hui que c’est un ingénieur du son vraiment incroyable. Il a fait des bandes originales de films. Ill était vraiment méticuleux, notamment en ce qui concerne le son de la batterie. Il a un style excellent pour la Pop, tout en restant très intégré à la musique plus ‘Punky’ et dure.
Stella : Et je pense que la plupart des ingénieurs du son Pop sont beaucoup moins ouverts, ne font pas de concessions, et te disent « Moi c’est comme ça que je fais un disque», alors que lui nous laissait suffisamment le contrôle. C’aurait pourtant été sans doute plus facile à ce moment-là de s’en remettre aux idées d’un autre, sachant que nous avions un délai court, que nous étions en plein rush. Mais Tom voulait être sûr que nous puissions faire le disque dont nous avions envie. Il n’a jamais mis de barrières.
Emily : Tom faisait tout ce dont nous n’étions pas capables techniquement, et il avait une très bonne oreille notamment en ce qui concerne l’arrangement du son de la batterie. Je serais curieuse de le voir remixer notre album et de voir comment ça sonne. Probablement plus ‘Pop’, même si ce n’est pas exactement le terme que je veux employer ici.
Et comment vous sentez-vous sur scène ? Quelle forme prend l’album sur scène ?
Il y a plus d’improvisation en fait?
Je crois que j’en arrive à ma dernière question! Il y a exactement un an vous faisiez la première partie de Surfer Blood à la Maroquinerie à Paris. Vous voici aujourd’hui en tête d’affiche dans une salle beaucoup plus grande, le Bataclan…
Stella : Shit! C’est notre premier concert en tête d’affiche ici, je croyais que c’était l’autre!
Emily : C’était en mai?
Oui, il y a juste un an. Alors, comment vivez-vous ce succès grandissant?
Emily : C’est vraiment bizarre parce que je n’y pense pas. On n’a pas forcément l’impression que c’est le cas, bien que je me rende compte aujourd’hui que c’est quelque chose d’inhabituel. On ne connaît rien d’autre, donc c’est arrivé naturellement. Mais en tout cas avant de commencer cette nouvelle tournée au Royaume-Uni et en Europe, je ne m’attendais pas à ce que l’on joue dans des salles aussi grandes. Je croyais qu’on allait faire le même genre de salles que la Maroquinerie. mais tous les derniers concerts se sont passés dans des grandes salles et étaient complets. Comme on vient des Etats-Unis on ne se rend pas forcément compte de la promotion, ou de l’impact de notre groupe ici, parce qu’aux US c’est plus étendu et donc moins populaire hormis dans les grandes villes. Je crois qu’on est un peu naïves par rapport à ça.
Stella : Nous sommes flattées!
Emily : Oui, ça ne fait aucun doute!
Propos recueillis à Paris le jeudi 26 mai 2011.
Un grand merci à Warpaint, Jean-Christophe Pons pour avoir rendue cette interview possible, Beggars France, ainsi qu’à tout le staff de Warpaint dont Jessica et les roadies pour leur accueil et leur sympathie.
Pour plus d’infos:
Lire la chronique de ‘The Fool’
Voir la galerie photos du concert au Bataclan, le jeudi 26 mai 2011